lundi 26 mai 2014

Pesée des âmes au jugement dernier


Cathédrale d'Amien, détail
du portail du Jugement dernier
Force est de constater que la seule partie de l'humain supposée être immatérielle passe plus qu'à son tour à la pesée. Quand ce n'est pas un MacDougall qui l'évalue en grammes ou en onces, ce sont nos vaillants archanges qui s'y collent. Evidemment, nous passons de la dimension physique (peser un objet, un corps) à l'ordre métaphysique (peser l'être) et moral (peser les consciences). La question n'en est pas moins à l'aulne de quoi peut-on, en toute justice, peser l'apesant


Papyrus d'Ani, ver 1200
avant notre ère
La civilisation pharaonique avait imaginé un principe de pesée d'une grande force symbolique. Sur un plateau on déposait le coeur à juger (rappelons que lors de la momification, il avait été rangé dans une urne) ; sur l'autre, la plume que Maât, déesse de la justice, de la vérité et de l'ordre de l'univers, portait à sa coiffe. C'est donc à une mesure d'intégrité que les Egyptiens anciens soumettaient l'âme : il fallait que les deux plateaux s'équilibrent, que le coeur fasse le poids avec des vertus. Le Livre des morts donne une description très précise du déroulement de l'épreuve.


Retable du Jugement
Dernier (détail),  Rogier
van der Weyden,1452
Rien de comparable dans la chrétienté où la psychostatie (c'est pour éviter les répétitions) n'apparaît pas expressément dans les textes sacrés. Quelques allusions clairement méta-phoriques autorisèrent néanmoins l'importation du concept. Il chemina de son origine à la Grèce, puis au monde chrétien via la tradition byzantine, avec une variante non négligeable : on pèse non l'âme mais les actions. Les bonnes dans un plateau, les mauvaises dans l'autre. Le plus lourd l'emporte. Les iconographes eurent pour unique option celle de donner aux actions une forme humaine. Là tient tout leur charme : l'âme à juger se dédouble en deux minuscules figurines, l'une pieuse, l'autre pécheresse. Immense et tout puissant, l'archange Michel officie, prenant occasionnellement quelques libertés.


C'est au musée d'art roman de Barcelone que l'on peut voir aujourd'hui ce tableau du maître de Soriguerola, nom donné -faute de connaître son vrai patronyme- au peintre qui, au XIIIème siècle, décora si bien les églises de sa Catalogne natale. La scène est pleine d'une vivacité délicieuse, Saint-Michel faisant valoir au démon dépité que, nonobstant les manoeuvres déloyales du diablotin de gauche, c'est au paradis que cette âme-là est promise.

La pesée des âmes, détail du devant d'autel
de l'église 
Saint-Michel de Soriguerola

Ici, l'ange triche ostensiblement : ça en fera toujours un de moins pour la concurrence semble-t-il raisonner. La concurrence, justement se comporte très mal, en la "personne" des mauvaises actions qui pèsent de tout leur poids pour inverser le jugement en leur faveur. Cette obstination à l'emporter est assez cocasse. La scène censément angoissante prend des allures de vignette BD où les péripéties de l'au-delà sont plaisamment croquées.

Détail de fresque, XIVème siècle,
église 
Saint-Pierre-le-Jeune


Sources : http://mythologica.fr/egypte/psycho.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ma%C3%AEtre_de_Soriguerola
http://www.photos-alsace-lorraine.com/album/1003/Eglise+Saint-Pierre-le-Jeune+protestante

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