lundi 31 mars 2014

Beau comme la rencontre fortuite d'un mobile et d'un funambule


Photo de Jürg Isler 
Le fortuit du titre n'est là que pour la malice du plagiat. Bien au contraire, rien de moins hasardeux que la présence d'un funambule évoluant au-dessus d'une oeuvre de Calder. Le seul mot stabile-mobile n'est-il pas en soi une périphrase de l'art de l'équilibrisme ? Dès 1933, année de son retour en Amérique, Calder commença à réaliser des oeuvres d'extérieur monumentalesL'exposition Calder-Miro fut l'occasion de réinstaller The Tree (de la Collection d’Ernst et Hildy Beyeler) à sa place d’origine, dans le Berower Park de la Fondation. On ne sait de qui vint l'idée de convier l'artiste David Dimitri à s'y produire, mais inviter un funambule, c'est réellement honorer Calder une deuxième fois.


The Tree, 1966, 520 x 1070 cm

Funambulisme ou l'art de l'équilibre
gardé entre mobile & stabile



Sources : https://www.fondationbeyeler.ch/fr/expositions/calder-gallery/2013-2014
www.daviddimitri.ch

dimanche 30 mars 2014

La couleur et le bonheur en partage


Chiffres et constellations
amoureux d'une femme, 1941
Si les artistes oeuvrant à imposer le langage de l'abstraction marquèrent Calder au point de le happer, s'il reçut le travail de Mondrian tel un électrochoc, l'artiste avec lequel il partagea les plus étroites affinités reste le peintre catalan Juan Miró. Tenant prudent de l'abstraction, issu de la mouvance surréaliste sans s'y être totalement conformé, ayant intégré des codes picturaux du symbolisme et de l'art naïf, Miró ne ressemble qu'à lui-même : ses toiles ont toujours été une symphonie de couleurs et de formes dont se dégage une incroyable énergie. Les deux hommes furent amis, chacun avouait trouver de l'inspiration au travail de l'autre. Juxtaposer leurs oeuvres est comme emboîter deux univers qui se répondent dans 

Polygones rouges, 1950
l'espace : les tourbillons sur toile de l'un semblent gagnés par l'envol et s'échapper pour se poser sur les mobiles de l'autre. S'y manifestent une même vibration et une même joie habitée par un esprit d'enfance. En 1947, le Terrace Plaza Hotel de Cincinnati réunit leurs talents, commandant à Miró une peinture murale monumentale et à Calder, un mobile qui deviendra Twenty Leaves and an Apple. De leur côté, galeristes et commissaires d'exposition ont souvent, avec bonheur, jumelé les deux oeuvres.


Fondation Beyeler,  exposition Calder-Miró, 
2004, photo de Peter Schnetz


Sources : http://www.brooklynrail.org/2005/02/artseen/calder-miro
http://previousexhibitions.fondationbeyeler.ch/f/html_11sonderaus/19calder_miro/html/01_einleitung.php 

samedi 29 mars 2014

Mobilement vôtre, signé Alexander


Cascading Flowers,
Calder, 1949
Rien de plus naturel que de passer du cerf-volant au mobile, lequel est défini comme... (c'est le Larousse qui parle) un corps en mouvement ; une sculpture susceptible de mouvement, sous l'impulsion de l'air ou d'un moteur ; un objet de décoration ou un jeu construit sur le principe des sculptures mentionnées ; une composition typographique en caractères mobiles. Je vous épargne la Garde nationale et le téléphone cellulaire, remarquant tout de même que cela fait beaucoup d'acceptions pour un seul mot : au propre comme au figuré, mobile part dans tous les sens. Nous allons évidemment nous intéresser aux sculptures. Et donc à l'immense Calder.


Installation, peut-être   
à la Fondation Beyeler
S'il ne fut pas tout à fait le premier à concevoir des objets d'art animés de mouvements (Bruno Munari avait proposé sa macchina aerea en 1930), Alexander Calder s'y consacra. Fasciné par le mouvement, il désire par-dessus tout arracher la sculpture à la condamnation statique, cherche une voie, l'ouvre et élabore des installations mobiles qui, au fil des ans, deviennent de plus en plus sophistiquées et déliées. "La sublimation d'un arbre dans le vent" disait d'elles Duchamp qui les baptisa du nom de mobiles.

A Paris, photographié
 par André Kertész, 1929
Calder est né dans une famille de sculpteurs (père et grand-père) et fit des études d'art académique à New-York. En 1924, il travaille comme illustrateur BD dans la presse. A l'occasion d'une commande, il découvre le cirque, monde qui lui inspire sa première réalisation personnelle. Au risque de me répéter (voir le billet du 20/12), je reviens au Cirque de Calder qui, par certains aspects, préfigure les mobiles : les personnages en sont des figurines très ingénieusement articulées et activées par des mécanismes qui autorisent toutes sortes de mouvements. Calder met les lois de la mécanique -et son habileté à travailler le fil de fer- au service d'un art poétique, joyeux et surtout dynamique


Piet Mondrian, 1921
En 1927, il s'installe à Paris où il assiste à la naissance de l’abstraction la plus radicale. Il fréquente notamment les pionniers de la peinture abstraite et géométrique. Calder revient bouleversé d'une visite à l’atelier de Piet Mondrian. En 1931, il rejoint le peintre néerlandais, Jean Harp et Robert Delaunay dans le groupe Abstraction-Créationconvaincu que sa voie passe par l'abstraction et sa traduction dans un langage qu'il veut dynamique et tridimensionnel. Il commence à construire des sculptures composées d'éléments indépendants entraînés par un moteur électrique ou une manivelle. En 1932, trente de ces sculptures sont exposées. L'art cinétique est né.


Feuillage vertical, 1942
Que les mobiles de Calder reposent sur un socle ou qu'ils soient suspendus au plafond, qu'ils habitent des musées, des esplanades ou des parcs, tous bougent, resculptés à l'infini par l'espace et l'air ambiants. En publier des photos est une façon certes commode mais un peu absurde de présenter ce travail entièrement voué au mouvement. La vidéo seule rend justice à la légèreté et la grâce des mobiles. En voici une : celles et ceux qui ne connaîtraient pas vont être éblouis. 




Sources : https://www.fondationbeyeler.ch/fr/content/alexander-calder
http://www.calder.org/
http://www.musee-lam.fr/wp-content/uploads/2010/12/Alexander-Calder.pdf
https://www.youtube.com/watch?v=fI5PRaTSMUI

vendredi 28 mars 2014

Qui suis-je ?


 L'orthographe moderne ne vous le dira pas mais mon nom vient
  de la langue d'Oc où il signifie serpent. 

Mes ancêtres sont apparus en Asie. La Chine reste 
ma patrie d'élection.

Nous existons depuis plus de 2000 ans. L'occident a attendu 
près de 12 siècles avant de nous adopter.

Jadis, nous avons pris part à des opérations 
militaires et scientifiques.

En 1900, j'ai participé à une compétition lors de 
l'Exposition universelle de Paris.

J'ai mon festival un peu partout dans le monde, 
de l'Inde au Canada. 

J'y suis jugé pour mes performances et, dans 
certains cas, pour ma beauté.

Je suis un objet de loisir mais aime être aussi tenu
pour un objet d'art.


?


Huile sur toile, par Nicole Avezard


Pour en savoir plus... 

Worlds Away, 2012
Le mot apparaît avec son orthographe actuelle vers 1669. Quant à l'étymologie, l'hypothèse retenue par l'Académie Française est celle du languedocien serpe volante, serp étant la déformation en bas latin de serpens, serpentis, le serpent. La graphie s'explique par l'homonymie avec cerf-volant, nom d'un coléoptère dont les mandibules rappellent les bois du cerf. Ci-contre, le dragon volant du Cirque du Soleil.

Gracieux et chinois car trouvé
 
sur voyages-chine.com
Le cerf-volant trouve ses origines en Extrême Orient, très certainement en Chine. Sa mise au point est impossible à dater avec précision :  de 2000 à 3000 ans, selon les sources. Le cerf-volant fait son apparition en Occident avec le développement des échanges dont il suit les routes commerciales. Il y était largement répandu dès le XIIème siécle. Initialement lié à la religion, il fut adapté aux fins les plus diverses : guerre (intimidation, acheminement de messages), transport humain (au XIIIème siècle, époque des  

Au festival de Dieppe, 2008
séjours de Marco Polo qui en témoigne dans Le Devisement du monde, puis bien ultérieurement, en 1901, avec le modèle cellulaire à nacelle que Samuel Franklin Cody fit breveter), sonde météorologique (Benjamin Franklin s'en servit pour étudier la foudre)... Mine de rien, l'étude des potentiels de ce gracieux objet -originellement fait de soie et de bambou- servit au fondement de l'aéronautique.


Sources : http://www.carnetdevol.org/actualite/origine/origine.htm.
http://jean.balsalobre.pagesperso-orange.fr/cerfvolant/histoirecv.html (article à la fois synthétique et complet ; le site comporte aussi une rubrique bibliographique)

jeudi 27 mars 2014

Bleu précipice


E. Mueller, tracé de perspectives
sur la jetée irlandaise
De même que les carrés de ciel -piégés par les miroirs de Daniel Koula- répondent au cube de plexiglas suspendu dans le vide, le travail d'Edgar Mueller est à l'image inversée des firmaments peints aux plafonds des églises. Ceux-là ouvraient le ciel au-dessus de nos têtes ; la nouvelle tendance du Street Art s'emploie à ouvrir le sol sous nos pas. Du trompe-l’œil baroque à la peinture 3D.

Le thème du vertige s'est invité sur le blog. Je n'avais pas prémédité son développement. Mais puisqu'il en est ainsi, je me plais à conclure sur une image spectaculaire : celle qu'Edgar Mueller peignit à l'acrylique murale sur la jetée de Dun Laoghaire, port irlandais proche de Dublin. Connu pour ses oeuvres monumentales d'une incontestable puissance dramatique, l'artiste allemand fut invité à recréer un saisissant précipice digne de l'ère glaciaire. Les visiteurs venus assister au Festival des Cultures du Monde en tombèrent d'admiration. Et, si j'en crois les photographies,  furent nombreux à contourner le gouffre. 

L'Âge de glace, Edgar Mueller, 2008

Les 250 mètres carrés (tout de même !) requirent cinq jours de travail à raison de 12 heures de labeur quotidien. Moyennant quoi, pas un détail ne manque à cette avalanche à l'envers : des plaques de glace y chutent, entraînées vers des profondeurs qu'on devine abyssales. 


Des passants prudents

Sources : http://lejournaldemagel.canalblog.com/archives/2009/03/09/12778402.html
http://www.metanamorph.com/index.php?site=project&cat_dir=3D-Pavement-Art&proj=The-Crevasse (galerie de photos)

+ pour ceux qui aiment les trompe-l’œil


J'ai toujours été excellent public pour les trompe-l’œil. Ceux du nouveau Street Art, réalisés au sol, me ravissent. J'aime donc je suis (du verbe suivre). Je suis donc je poste. Cliquez votre chemin si ça vous gave. Sinon, enjoy !


Mind your step, d'Erik Johansson, juin 2011 


Nous avons ici le travail d'un photographe. La faille béante (32 x 18 mètres) creusée en pleine esplanade d'un centre commercial de Stockholm, est en fait un gigantesque tirage photographique, imprimé sur un revêtement, lui-même découpé puis assemblé tel un vaste puzzle. Une vidéo (lien en bas de page) permet de suivre les étapes de cette minutieuse réalisation : tracé des perspectives au cordeau, recherche des roches à photographier, traitement de l'image... Trois semaines de conception et de mise en place, puis 6 jours de gloire pour la faille, comblée au septième. 


Source et lien : http:/erikjohanssonphoto.com/work/mind-your-step/
http://www.youtube.com/watch?v=iP6N9yXWeBM (le making of)

mercredi 26 mars 2014

Avancez sans crainte, ce n'est que du vide !


Le bien nommé Pas dans le vide

Non, ceci n'est pas la dernière photo d'un dépressif sur le point de réussir une spectaculaire défenestration. Seulement celle d'un touriste auquel le plexiglas de cette cabine un peu spéciale permet de contempler sereinement les 1000 mètres de vide qui s'étendent sous ses pieds. Nous sommes au sommet de l'Aiguille du Midi. Nom de l'attraction, Le Pas dans le Vide

La cabine, quasi invisible, est l'oeuvre
 de la société de construction Laubeuf
Le concept existe ailleurs dans le monde (entre autre aux Etats-Unis où le Sky walk invite à traverser le Grand Canyon dans une passerelle de verre) mais le mont Blanc s'est doté de la seule installation existant pour l'heure en Europe. L'idée est d'offrir à ceux qui ne pratiquent pas l'alpinisme, la contemplation des vallées comme ils ne les verront jamais. Et une montée d'adrénaline à proportion des 1000 mètres contemplés.

Tel un lit sorti du
pinceau de Magritte
Le site a ouvert ses portes aux visiteurs en décembre dernier. A en croire les téméraires, la sensation est à couper le souffle. J'ai cru un moment que la photo ci-contre était le prototype d'un audacieux projet d'hôtellerie sur le même mode. Que nenni ! Elle témoigne plus prosaïquement des derniers tests de sécurité, effectués en présence de la société constructrice et d’experts. Ce que je pris pour moelleux édredons et oreillers en nombre (une vraie couche de sybarite !) sont en fait des sacs de sable : une charge totale d'1,5 tonne. Conçue pour résister à des vents dépassant les 200 km/h, endurer des températures de moins 40°, le Pas dans le vide présente les garanties de sécurité plus qu'optimales. Reste à avoir le goût des sensations fortes et une bonne endurance au vertige. Tous sont formels, la transparence est telle que l'illusion est totale.


Au pied du mont Blanc, à 3500 m d'altitude

Tel un test de sécurité peint
 par Christian Schloe, 
Wind, clouds and tea

Merci à C. la fée qui m'a soufflé l'idée et envoyé les liens.

Sources : http://www.atlantico.fr/decryptage/pas-dans-vide-au-dessus-alpes-incroyable-cage-verre-aiguille-midi-933881.html
http://www.ledauphine.com/haute-savoie/2013/10/30/le-fameux-pas-dans-le-vide-de-l-aiguille-du-midi-est-termine-depuis-quelques-jours-mais-le-test

mardi 25 mars 2014

Le ciel descendu sur terre



Avril 2012, California’s Joshua 
Tree National Park 
Voici trois clichés réalisés par le photographe Daniel Kula. Ces images ont été prises dans un parc naturel où, en résidence d'artiste, Kula a installé un chevalet avec, en guise de toile, un miroir. Par le jeu des inclinaisons, il a capté des bouts de ciel qui s'invitent dans un paysage fait de roche et de sable. 


Le travail est rassemblé sous le nom de The Edge effect. Découvrant ces photos sur Internaute.com, j'ai immédiatement pensé "pour mon blog". J'avais établi le lien avant même de l'avoir analysé. Il est fait d'inversion, de renversement. Presque tout ce que j'ai publié sur Apesanteur donne à voir l'intrusion -dans les hauteurs- de ce qui relève du bas. Ici, phénomène inverse d'un carré de ciel venu se poser sur le sol pierreux d'un désert. 





Source : http://universe-religion.com/daniel-kukla-the-edge-effect/

lundi 24 mars 2014

Le gâteau des anges


Emporte-pièce
Les anges ont touché de leur aile tous les arts. L'art culinaire ne fait pas exception : un type de vermisselle s'appelle cheveux d'anges, certain sucre filé -très prisé en pâtisserie orientale- aussi. Le pain d'ange est un des noms du pain eucharistique (ou hostie). Pain d'épice et massepain sont souvent découpés de façon à figurer un ange. Et voici le très anglosaxon et néanmoins savoureux angel food cake. De texture aérienne, réalisé sans matière grasse, c'est un dessert poids plume. L'anti-péché diététique par excellence.


Quelques tranches de nuage
Ingrédients : 90 g de farine et 30 g de fécule de maïs, 300 g de sucre, 12 blancs d'oeufs, 1/2 cuillère à café de sel, 1 cuillère à café de crème de tartre et 1/2 cuillère à café d'extrait de vanille.
Préparation : Tamiser 3 fois la farine, la fécule et la moitié du sucre. Mettre les blancs d'oeufs dans un grand bol, saupoudrer de sel et de crème de tartre et fouetter en neige ferme. Ajouter le reste de sucre et la vanille et continuerà fouetter jusqu'à ce que la neige forme des pics. Incorporer progressivement la farine tamisée. Verser dans un moule à tube non graissé. Cuire dans le four préchauffé à 190°, de 25 à 30 mn. A la sortie du four, renverser le moule et le suspendre au goulot d'une bouteille. Laisser complètement refroidir ainsi puis détacher délicatement des parois avec un couteau plat ou une spatule avant de démouler. 


Sources : http://nodshop.com/cadeau-original-ustensiles-cuisine/4250-emporte-piece-ange.html et http://www.lesgourmandisesdisa.com/2006/10/tout-lger-lger-le-gteau-des-anges.html

dimanche 23 mars 2014

La passion selon saint martin-pêcheur


Sans doute conditionnée par mon immersion récente dans la peinture religieuse, mes yeux ont d'abord lu cette photographie comme une image pieuse. Martin-pêcheur n'étant, par ailleurs, pas si loin de Martin (pauvre) pécheur, l'illusion ne demandait qu'à être entretenue... Si je savais m'y prendre avec Photoshop, je me ferais un plaisir de saturer les couleurs pour rendre l'image digne d'un missel. Pas trop de regrets tout de même : en l'état, elle me plaît énormément et me permet de donner aux oiseaux une petite place, des plus légitimes, sur ce blog.


Photo de Jean-Marie Salomon

En réalité, ce cliché a saisi les deux martins-pêcheurs au plus musclé d'une parade amoureuse. Suite à une prise de bec (au sens propre), le mâle a débouté la femelle de la branche. La photo provient de mardieval-biodiversité, un blog animé par J.M Salomon et qui oeuvre à la préservation de la biodiversité du Val de Loire. Elle a été prise au téléobjectif (en même temps que de nombreuses autres), entre 2012 et 2013, par ce défenseur passionné de la nature. Merci à son talent et à sa... dévotion.

Source : http://mardieval-biodiversite.over-blog.com/article-exclusivite-on-se-donne-des-gros-becs-121695358.html

samedi 22 mars 2014

Ceux qui se rebellent


On n'adresse pas le commentaire Tu es un ange aux esprits fortement contestataires. Un caractère d'ange suppose d'être doux et soumis, tels que le sont forcément les chérubins. Les artistes se conformant peu, par nature, aux idées toutes faites, ils furent un certain nombre à prêter aux anges des sentiments de tristesse et de frustration voire de franche colère. Juliette Noureddine a composé Le Congrès des Chérubins, chanson où elle imagine la rencontre annuelle du petit peuple ailé, libre pour l'occasion d'exposer toutes ses doléances. 

Raphaël, détail de La Madone Sixtine
1514


Nés du pinceau de Raphaël, ce sont les plus connus des angelots de la Renaissance. Dans les années 90, un engouement planétaire fit décliner cette image en mille et un gadgets. J'eus moi-même un étui à briquet à leur effigie. D'où, "Le regard adorable tourné vers les cieux/La main sur la joue ou les bras croisés/Monsieur Raphaël on s'emmerde un peu/Et pour nos portraits vendus dans le monde entier/On n'a pas touché un caramel." Ras les ailes, à la fin !



Dans La Révolte des anges, roman emblématique de la très laïque Troisième République, Anatole France se veut plus radical. Publiée en 1914, cette fable satirique raconte le rassemblement d'anges qui, profitant de leur séjour sur terre, fomentent une révolte pour rétablir la Connaissance sur le trône céleste. Baste de l'obscurantisme et de Yahvé qui l'y a installé ! Pour servir la cause, Abdiel -le héros- prend pour QG la bibliothèque de Maurice d'Esparvieu dont il est l'ange gardien. Découvert par le jeune homme, Abdiel-Arcade (de son nom terrestre) entreprend de se justifier en retraçant l'histoire de l'humanité, telle que seul peut la connaître un témoin de la première heure. "Je ne crois plus qu'il soit le Dieu unique. Pendant fort longtemps, il ne le crut pas lui même.Angélique impertinence !

Der Himmel über
Berlin
, 1987
Dans Les Ailes du désir de Wim Wenders, le tourment des anges est tout autre. Damiel et Cassiel veillent sur les hommes du haut du ciel berlinois. Célestes et éternels, ils éprouvent une compassion détachée pour ces hommes en proie à des émotions ignorées des anges. Damiel, las de son existence de témoin insivisible, rêve de porter à son tour la condition humaine. Touché par Marion, une trapéziste (personne n'y verra un hasard), séduit par son âme et sa grâce, il décide finalement de devenir humain. Il sera soutenu dans ses choix par un ancien ange, heureux d'avoir choisi trente ans plus tôt l'état d'homme, même si le vieillissement et la mort se trouvent au bout du chemin. La vidéo ci-dessous donne un aperçu de la mélancolie qui baigne ce conte métaphysique.


Pour une dose de bonne humeur, pas très apesanteur mais absolument jubilatoire, http://www.dailymotion.com/video/xsrpl_juliette-congres-descherubins_music
Texte intégral de La Révolte des anges, disponible sur http://www.olphir.com/documents/0France-Anatole---La-revolte-des-anges.pdf
Sources : http://www.arte.tv/fr/les-ailes-du-desir/906520,CmC=906524.html

jeudi 20 mars 2014

+ pour Giotto et Fra Angelico, immenses maîtres


La rédaction des deux billets sur les anges m'a fait regarder un nombre considérable de peintures. Ce serait misère de ne pas représenter ici quelques unes de celles que je chéris particulièrement. Mes goûts me portent vers deux peintres toscans, respectivement du XIVème et XVème siècle. 


GIOVANNI FRA ANGELICO (1400-1455)

Détail  de fresque, couvent San Marco,
circa 1442
La figure de Fra Angelico est des plus touchantes. Entré en religion vers l'âge de 18 ans, il choisit un ordre particulièrement austère. Le nom qu'il prit alors -Fra Giovanni- sera changé à sa mort en Giovanni Fra Angelico, tant il paraissait juste, à ceux qui l'avaient connu, d'associer étroitement le peintre au sujet qu'il traita avec une dévotion, une tendresse et un talent extrêmes. 


Pour le reste, inutile d'aller consulter des sites expliquant le talent du Fra des Anges : je sais d'avance y trouver les mots grâce, diaphane, lumineux, délicatesse, simplicité, harmonie exquise. Ils sont tous justes. Extatique oeuvre de qui peignit en état de grâce et fut béatifié en 1982. Ici, deux scènes d'annonciation et le détail d'une troisième. Toutes proviennent du couvent Saint Marc dont Cosme de Médicis confia la décoration au peintre, à partir de 1440. Suite à sa béatification, Fra Angelico est considéré être le saint patron des artistes.


Couvent San Marco, 1441


Elément d'un panneau pour oratoire,
musée San Marco, 1451-1452



GIOTTO DI BONDONE (1266-1337)

Détail de la fresque
 La Déposition de croix, 1305
Avec Giotto, nous entrons dans un ciel, terriblement animé et humain. Les historiens s'accordent sur le rôle déterminant du peintre, mozaïste et architecte qui entraîna l'art médiéval, encore empreint de tradition byzantine, dans la modernité de la Renaissance. Il est le premier à intégrer des volumes exprimés en trois dimensions. Renonçant à l'abstraction et aux attitudes hiératiques, il transmet dans ses toiles l'émotion des personnages. Il fut loué par Dante, Boccace et Pétrarque. 


Affairés et vifs, les anges de Giotto manifestent très humainement leur vigilance, leur inquiétude et leur empathie. Leurs attitudes sont les nôtres. L'un semble se retrousser la manche (La Fuite en Egypte), l'autre prend sa tête à pleines mains quand un troisième se révulse de douleur (détails de La Déposition de croix). Au besoin, ils descendent en vol piqué au secours des hommes. Ci-dessous, deux détails des quelque 53 fresques que Giotto peignit, entre 1303 et 1306, dans la Chapelle des Scrovegni de l'église de l'Arena, à Padoue.


Détail de Scènes de la vie de Joachim


La Fuite en Egypte, 1303-1305

Sources : http://www.histoiredelart.net/artistes/fra-angelico-180.html
http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Giotto_di_Bondone/121474