dimanche 16 mars 2014

Le vertige des hauteurs


Saint Barthélémy, à Plaisance du Touch
Nous voici partis pour une petite flânerie dans les églises. Nous avons beaucoup à y voir, à commencer par leurs vertigineux plafonds. Archi-tectes, peintres et autres bâtisseurs d'églises ont mis en oeuvre tous les moyens possibles afin de nous convaincre que, dans l'enceinte sacrée, nous sommes aux portes du ciel. Dans l'antichambre de Dieu. De la hauteur que diable ! 

Nef de l'église La Seu, Palma
Tel une prière, tout édifice religieux s'inscrit dans la verticalité et tend vers le ciel, siège universellement assigné aux dieux. Si ses 48,5 mètres de hauteur de voûte font de la cathédrale de Beauvais la plus haute église d'Europe, un édifice peut-être plus élancé se trouve aux Baléares : l'église La Seu de Palma en compte 4 de moins mais l'incroyable finesse de ses piliers confère à l'ensemble un caractère de légèreté unique. Ces monumentales constructions entendent inspirer à celui qui y pénètre le sentiment de sa petitesse : une métaphore de l'humain devant le divin. Y entrer c'est entrer dans un monde attenant au ciel et les rites (doigts trempés dans le bénitier, déplacements codés, génuflexions...) répondent à l'intimidant décorum des lieux : profusion d'images et de statues, encens, vitraux filtrant la lumière, objets du rite, cierges... Imprégné de magie, saturée de symboles, l'église n'est plus tout à fait sur terre. Tournée vers les cieux, il est logique qu'elle en offre un aperçu aux regards des fidèles. Aux voûtes et à leurs fresques revient d'assurer cette mission



Andrea Pozzo, L'Apothéose de Saint
 Ignace de Loyola
, 1685-1694
Tourner les yeux vers le plafond d'une église est bel et bien s'abîmer dans un azur mystique : on n'y voit qu'anges et élus de Dieu, ailes et corps glorieux en lévitation. Ci-contre, la célèbre fresque de l'église Sant'Ignazio di Loyola, à Rome. Edifiée en 1626, l'église fut privée de sa coupole d'origine. On demanda à Andrea Pozzo, maître du trompe-l'oeil, de reproduire l'illusion du volume et de la profondeur sur un plafond redevenu plat. Pozzo choisit de représenter l'apothéose du fondateur de la Compagnie de Jésus, dans un déploiement étourdissant de figures. Il y fit merveille grâce à sa maîtrise absolue du sotto in su et de la quadratura, techniques utilisées par les grands peintres et architectes baroques pour simuler un espace tridimensionnel. Ce travail requit 9 ans au peintre jésuite et est considéré comme son chef d'oeuvre, au même titre que la coupole détruite dont il recréa génialement l'illusion.



Achevons ce billet sur une oeuvre saisissante, de 5O ans antérieure à celle de Pozzo. Il s'agit de la fresque du Duomo de Parme, due à da Corregio. Peintre de la Renaissance, il vécut un peu retiré ce qui expliquerait le développement d'un style personnel et les libertés qu'il prit, par exemple, avec les techniques de la perspective héritées du Quattrocento, au profit de la perspective tournoyante. Il est considéré comme un précurseur du Baroque. Avec cette Assomption de la Vierge, la voûte du Duomo s'ouvre, dans une orgie de lumière, vers un espace illimité, incommensurable. Un vertige ascensionnel, littéralement aspirant. 

Da Corregio, L'Assomption de la Vierge,
1525-1530


Sources : http://www.rome-roma.net/sant-ignazio-di-loyola.html
http://www.idixa.net/Pixa/pagixa-1204252048.html (analyse détaillée de l'oeuvre du Corrège)

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