mardi 29 avril 2014

Telle est prise qui croyait prendre


Bien que les sujets mythologiques et religieux que je brasse me conduisent souvent vers ses toiles, j'esquive avec opiniâtreté Bouguereau. Aucune de ses Vénus ici ; pas la moindre plume d'ange. La virtuosité technique de l'artiste va de pair avec une mièvrerie parfois supportable, parfois pas. La tête haute, je passe donc devant ses chef-d'oeuvre (Va voir Fragonnard et reviens me causer aprèsquand le hasard me fait tomber sur une image incontournable, une toile qu'il me faut sur le blog. De qui peut bien être cette folie nudiste ? Un photomontage des délirants Plonk et Replonk (on reparlera d'eux un jour) ? Un daguerréotype coquin des années 20 ? Une peplum-fantaisie de Spencer Tunick ? Mince, c'est un Bouguereau ! Je fais donc amende honorable, me promets in petto de retourner à Orsay réviser mes jugements et me délecte de ce remuant ballet naturiste. Le carcan académique du peintre semble avoir implosé au profit d'un panthéisme un poil dévergondé. Voici les nymphes en colonie de vacances.


Les Oréades, William Bouguereau, 1902

"Les oréades sont des créatures des montagnes et des grottes, réputées alertes et joyeuses. [...] Au signal de Diane, elles accourent prendre part à ses exercices et lui former un brillant cortège. Comme dans L'Assaut, la mythologie est ici, pour Bouguereau, un prétexte pour faire montre de son époustouflant talent de dessinateur, capable de saisir toutes les attitudes du corps humain. [...] Avec cette envolée de corps féminins, Bouguereau ose un tableau d'une imagination débridée, sans négliger l'extraordinaire paysage crépusculaire du second plan, digne de Corot, et mâtiné d'accents symbolistes." Moins docte que les auteurs du texte (site du musée d'Orsay, voir Source) je suis surtout médusée par le dynamisme extraordinaire de ces corps et le tumulte aérien de leur mêlée.


Source : http://www.musee-orsay.fr/fr/collections/oeuvres-commentees/peinture/commentaire_id/les-oreades-21296.html?tx_commentaire_pi1%5BpidLi%5D=509&tx_commentaire_pi1%5Bfrom%5D=841&cHash=d0621a55f2

lundi 28 avril 2014

Le naturisme ou quand être nu rend léger


Un petit mot laissé par Diane, suite au billet Spencer Tunick, me fait rebondir sur le vocabulaire de la nudité et voilà que ma fibre de blogueuse me met au défi d'en faire de l'apesanteur. Chiche? Chiche. Détour préalable par les dictionnaires de synonymes et d'argot pour potasser le champ lexical concerné, avant de cogiter les rapports entre la nudité et le sentiment de légèreté. Prêts pour l'effeuillage ?

Illustration trouvée sur 
un site de naturisme
Dire la nudité est soit nommer la matière qui nous habille (être à poil, avoir ses cheveux pour vêtement, installer sa bidoche), soit comparer avec ce qui est toujours nu (comme un ver, comme une fleur, comme la main), soit faire référence à l'état d'avant le péché originel (tenue d'Eve, d'Adam, comme notre premier père) ou à l'état de nature (être habillé en sauvage, in naturalibus). Ces deux derniers points se rejoignent : la civilisation va les fesses couvertes, par opposition à la nudité qui est naturelle. Dieu n'avait pas raisonné autrement en peuplant l'Eden. L'autre nom du nudisme est d'ailleurs le naturisme. L'image ci-contre reprend la représentation de la chute, sur un mode un poil décalé : Adam tient aussi une pomme et les parties génitales sont plus ornées que voilées par les brins de vigne.


Communauté hippie,
origine inconnue
Quant à la question de être nu rend-il léger, tournons-nous vers l'héritage culturel et idéologique considérable que nous ont transmis les mouvements hippies des années 60 et 70. Le naturisme y côtoyait le rejet de la société de consommation, le retour vers Mère Nature, de vagues inspirations païennes, le nomadisme, la liberté sexuelle, la vie en communauté... Nous sommes en plein utopisme social : la recherche d'une société idéale, panthéiste, affranchie des interdits de la vieille morale, faisant reculer les tabous. Les vêtements sont, comme les modèles des générations antérieures, autant d'oripeaux dont il est bon de se défaire. Pour les Flower children, liberté et légèreté passaient entre autres par le droit à la nudité. Qu'il soit occasionnel (le bon carré de pelouse, la petite crique isolée) ou systématique (camp 

La Cour suprême de Nouvelle-Zélande a annulé, début décembre 2012, la condamnation pour comportement offensant d'un joggeur naturiste.
En Nouvelle-Zélande, joggeurs et joggeuses 
 ont le droit de courir nus dans les forêts
de vacances où tout se fait à oilpé) et militant, le naturisme est et reste un phénomène occidental. Pratiqué en bord de mer et dans les espaces verts, il existe aussi en version urbaine, contrariée (à San Francisco, une loi interdit désormais aux citoyens d'être nus en ville) ou acceptée, comme dans les pays nordiques ou en Angleterre où faire du vélo en tenue d'Adam est sinon commun du moins admis.


Et, dans chacun de nous,  cette envie jamais complètement éteinte de goûter à l'état de nature. Assortie du plaisir d'une petite transgression ? 

La scène du bain de minuit de Marilyn,
Something's got to give part, 1962


Sources : http://www.languefrancaise.net/bob/syno.php?id=614&synonyme=nu
Nudisme urbain à San Francisco : http://next.liberation.fr/sexe/2012/11/20/san-francisco-interdit-le-nudisme-de-rue_861877
Jogging naturiste en Nouvelle-Zélande : http://www.francetvinfo.fr/monde/asie/en-nouvelle-zelande-vous-pouvez-courir-nu-dans-la-foret_179777.html

+ pour l'incommodante nudité biblique


Le Jardin des délices,
Jérôme Bosch, 1503
Les pères de l'église se sont déchaînés contre le corps. Cette détestation a marqué à jamais la doctrine chrétienne. L'iconographie religieuse a suivi, bannissant ou esquivant la représentation de la nudité. Dans les scènes de martyre, le supplicié -dépouillé de tout- garde néanmoins quelque pagne ou drappé opportun. Le seul épisode biblique qui, en toute honêteté théologique, devrait renoncer à couvrir même légèrement le corps est celui du bonheur au jardin d'Eden. Le temps d'avant la pomme. Au coeur d'une chapelle florentine, deux magnifiques tableaux connurent quelques déboires vestimentaires.

Le tableau de Masolino
tel 
qu'on le vit pendant 
plus de 300 ans
Nous sommes donc à Florence, vers 1424. Le riche et puissant Felipe Brancacci engage Masaccio et Masolino pour orner de fresques la chapelle dont dispose sa famille dans l'église Santa Maria del Carmine. Masolino représente Adam et Eve juste avant le péché originel. Debout, de face ils sont logiquement nus tels ce gros ver de serpent qui déjà s'approche. En 1670, Cosme III grand duc de Toscane, pieux jusqu'à la bigoterie, s'avisa que ces images étaient un outrage à la foi. Oubliant l'Eden de la Génèse, il fit peindre des feuillages aux organes des dévergondés. Même traitement pour l'admirable travail de Masaccio où Adam quittait le paradis abattu et plus occupé à cacher ses larmes que sa virilité.

Une restauration des fresques de la chapelle (endommagées au fil du temps par la fumée d'un incendie mais aussi celle des lampes votives) fut entreprise de 1984 à 1988. S'appliquant à effacer les dégâts du temps ainsi que ceux de la censure, les restaurateurs rétablirent nos premiers grands-parents dans leur insouciante ou tragique nudité. 


Le péché originel,
Masolino, vers 1427
Adam et Eve chassés du
paradis
, Masaccio



Sources : http://www.aparences.net/art-et-mecenat/les-fresquistes-florentins/les-fresques-de-masolino-et-fra-angelico/
http://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/masaccio/brancacci.htm


dimanche 27 avril 2014

Spencer Tunick signe un nu sur l'eau


Mer Morte, 2011
Que ceux qui ne connaîtraient pas le travail de Spencer Tunick veuillent bien prendre quelques secondes pour regarder l'image ci-contre. Ces traits verticaux sont-ils le motif d'une toile abstraite ? Serait-ce plutôt l'agrandissement d'une partition ? Des plantes aquatiques ? Libre à chacun d'enchanter son imaginaire, mais sachez tout de même que Spencer Tunick ne photographie que des corps humains nus. 

 Stade Ernst Happle, à Vienne, 2008
Depuis plus de 20 ans, l'artiste américain dénude hommes et femmes dans la ville (les prises de vue sur la Mer Morte étaient une première). De photo en photo, de petits groupes en foules (ses installations mobilisent des milliers de figurants), Tunick confronte la nudité à l'espace urbain, interrogeant la place qu'y occupe l'homme, tour à tour gracieux, puissant, perdu ou dérisoire.


A Mexico, 2007
Dans ce travail, le plus beau est -à mes yeux- la façon qu'a Spencer Tunick d'utiliser les corps nus comme un peintre sa palette. Il joue sur les nuances de peau et de cheveux jusqu'à les fondre en de vastes aplats. Que le paysage ainsi tracé soit vallonné ou accidenté, la scène cascadante ou inerte, chaque corps s'inscrit dans l'image comme un coup de pinceau sur la toile d'un impressionniste, un pixel sur le tirage d'un photographe. Tunick atteint l'abstrait à travers des compositions où la moindre touche est un figurant. L'homme, tour à tour gracieux, puissant ou dérisoire, disais-je. Chez Tunick, l'homme est avant tout pictural.

La photo qui justifie ce billet a été prise à Amsterdam. Invité par la ville, Tunick y réalisa plusieurs installations et ce cliché qui est un peu différent. Les figurantes (ici toutes des dames) sont peu nombreuses et bien distinctes : leur nudité est ornementale et rappelle les statues qui décorent les ponts. Installées sur des supports (que leurs jambes dissimulent), elles sont disposées en arc, au-dessus des eaux, en plein centre historique de la ville.

Voici les Loreleï, fières filles et fées du Rhin

Très court reportage sur les prises de vue faites sur le canal. J'aime beaucoup
 l'inhabituel "Please, please, don't smile !"



Sources : http://www.kickandblog.com/409-spencer-tunick-reunit-2000-personnes-nues-a-amsterdam/
https://www.youtube.com/watch?v=zUqcOOK73Jw

samedi 26 avril 2014

Victor s'en mêle


En pleine recherche sur l'eau, voici que flotte à la surface de Google images une pancarte (bouteille jetée à la mer, sans doute) signée... Victor Hugo ! Mais qu'est-ce que tu me veux ? Tu crois avoir ta place sur Apesanteur, toi ? Tu veux que je te rappelle ton poids littéraire ?  Des tonnes, mon vieux ! Tes vers claironnants, tes histoires en 3500 pages... Ah oui, je me souviens, à Jersey, monsieur faisait tourner les tables pour discourir avec les morts. Pas suffisant amigo. Sorry. Quoi ? C'est pas ça ? Tu as dit bouddhisme, là ? Mais quel rapport ? Répète et articule que je sois sûre. J'ai bien entendu lâcher-prise. C'est toi qui dis ça ? OK, OK. Non, te fâche pas. Oui, c'est intéressant. Ca m'étonne un peu venant de toi mais c'est intéressant. Je te promets que je vais y penser.


Extrait d'un poème du recueil
Les Châtiments, 1853


Nouveau Cologne nous plonge dans la fraîcheur


Finissons cette série sur l'eau avec la plus parfumée : l'eau de Cologne. L'eau admirable ou Aqua mirabilis, née 1708, n'a jamais perdu sa popularité. 4711 Original Eau de Cologne est l’une des plus anciennes marques de la métropole rhénane et jouit d’une réputation mondiale. Depuis plus de 200 ans, elle tient sa promesse : procurer un effet bienfaisant sur le corps et l’esprit. Pour lancer une variante Nouveau Cologne, la société fit appel à Zena Holloway, experte en prises de vue sous-marines. Si le monde olfactif est immatériel, l'eau de Cologne est, elle, une mer parfumée. Osez le bain d'Aqua Mirabilis : légère comme une bulle, c'est vous qui pétillerez.


Passagère d'un vol parabolique
Fond marin des îles Bahamas



& 





Le bain de fraîcheur et d'énergie qui vous donne la pêche.


I feel nouveau, 2012, Zena Holloway



Source : https://www.douglas.fr/douglas/4711-Eau-de-Cologne/Nouveau-Cologne/index_b094705.html
Sources images : http://www.xsquare.fr/Media/Caroussel/Caroussel/Vol-parabolique-en-apesanteur et http://www.casafree.com/modules/xcgal/displayimage.php?pid=3538

vendredi 25 avril 2014

La raie manta, impériale nageuse


Manta birostris, appelée
aussi diable des mers
De face, la raie manta est un des animaux les plus laids de la création. Sa tête est munie de deux cornes céphaliques (sortes de moignons courbes) qui l'aident à déloger des fonds marins les petits poissons et crustacés dont elle se nourrit. Si certaines des 500 espèces rassemblées sous le nom de raie sont venimeuses, la manta ne présente, elle, aucun danger. Les plongeurs nagent volontiers à ses côtés. Manta vient de l'espagnol où le mot signifie couverturePoisson plat dont le corps dessine 

Voilure d'une fantomatique caravelle
un carré, l'animal évoque en effet un immense drap flottant. Là réside la spectaculaire beauté de ses apparitions. Entre soucoupe volante et vaste oiseau aquatique (l'envergure d'une raie manta peut atteindre 6 mètres), elle bat placidement les mers de ses larges ailes-nageoires, en un vol d'une élégance sidérante. Que l'accompagnement musical un peu grandiloquent de la vidéo ne vous gâche pas la pure magie du spectacle. 





Sources : http://www.encyclo123.com/-Poissons/256.html
https://www.youtube.com/watch?v=v1S6mTRV5ZA

+ pour la baleine et la brindille


Hannah Fraser,
vraie sirène de conte
Des photos de mode sous l'eau ? Maillots et paréos, soit mais des robes du soir ? Absurde...sauf si derrière cette incongruité se cache une bonne cause. En termes de causes, la protection des requins-baleines est excellente. Que le nom de requin n'induise personne en erreur : rien de plus inoffensif que ce placide géant (de 12 à 18 mètres pour un individu adulte). Et rien de plus majestueusement beau. Je ne parle pas à la légère : j'en ai vu en Mer Rouge. Sollicités par l'association WildAid, Kristian Schmidt et Shawn Heinrichs ont réalisé des images féériques où deux mannequins, adeptes de la plongée, font les belles au nez des requins-baleines d'Oslob, un village de pêcheurs aux Philippines. Les bénéfices de la vente des photographies ont été reversés à des associations locales.

Je choisis deux clichés : celui où Miss Fraser m'évoque irrésistiblement la fée Clochette tenant tête à ce gros doudou et celui où, devenue petit poisson, 
elle se faufile entre les  géants. 


Photo Kristian Schmidt, 2012


Photo Shawn Heinrichs, 2012

Sources : http://chicquero.com/?attachment_id=14756
http://www.bluespheremedia.com/2012/12/whale-shark-fashion-shoot-world-first/
Galerie photo sur ces deux sites. 

jeudi 24 avril 2014

Eaux minérales en pub


Eau aromatisée thé
pêche, campagne 1999
Quelles que soient les modes et les priorités de l'époque, les eaux minérales sont d'abord vendues au nom des bienfaits qu'apporte leur consommation. Les concepts clés sont, sans surprise, pureté, équilibre, descendue des plus hauts glaciers, remontée des entrailles vives de la terre... assortis de la spécialité de chacune : riche en magnésium, favorise la digestion, l'élimination, entretient votre ligne... Les eaux gazeuses ou aromatisées -plus proches des sodas que de l'eau plate- ont élargi leur registre aux plaisirs festifs et à la légèreté des bulles. Suivent quelques images en analogie avec ma tocade-apesanteur.



Eau céleste déversée par l'ange Vittel.

Publicité Vittel, 1900


Ô diablesse, l'une des nombreuses pin up Perrier.

Ici, logo vintage décliné en set de table


La fraîcheur du bien nommé melon d'eau.

Ioli natural mineral water,
conception agence Spot JWT, Athènes


Capsules volantes : des bouchons faits pour sauter.

Lancement de la Badoit Maxi, 2002


Vapeurs d'Evian, le bain de beauté.

Campagne américaine pour Evian,
date non précisée

mercredi 23 avril 2014

Quand le Bain turc d'Ingres s'en va flottant


Le Bain turc, Jean-Auguste-Dominique Ingres,
1862

Le Bain turc est la dernière toile d'Ingres. Il la signa à l'âge de 82 ans, après l'avoir travaillée et retravaillée près de 15 ans. Outre le perfectionnisme (connu et avoué) d'Ingres, il s'agissait, dans ce cas précis, de produire une oeuvre maîtresse, synthèse de son art. Avant de parler du travail qu'un artiste contemporain fit autour du Bain, attardons-nous sur l'oeuvre.

Photo de 1859, montrant
Le Bain Turc dans sa
forme initiale
C'est une scène de harem. Nous y voyons un groupe de femmes se délassant dans la salle de repos du hammam. Le tableau associe le motif du nu et le thème de l'Orient. Fait de corps alanguis et offerts, il baigne dans l'érotisme. Commandé à Ingres par un membre de la famille impériale (nous sommes sous le Second Empire), le tableau fut livré en 1859 puis renvoyé au peintre car jugé trop osé. Il était alors de forme rectangulaire. Ingres reprend la toile, décide d'en faire un tondo (forme circulaire) : la femme étendue (à droite) qui scandalisa tant le premier acquéreur, est en partie escamotée, l'arrondi souligne le côté clos de ce monde de nudité. Enfin, le tondo nous place dans la position de l'indiscret qui observe la scène par la lucarne. 

Le foulard de la joueuse
de luth, épicentre de la toile
L'érotisme du tableau y gagne, la composition -déjà construite sur des tracés circulaires- aussi, devenant plus enveloppante. Le tableau fut finalement acquis par Khalil Bey, ambassadeur ottoman. Peu de risque de pruderie chez ce collectionneur éclairé, commanditaire de L'Origine du monde de Courbet. Le tableau ne fut révélé au grand public qu'en 1905, à l'occasion d'une rétrospective consacrée à Ingres, 38 ans après sa mort et entra au Louvre en 1911. Audacieuse de sujet et de traitement, la toile scandalisa (Paul Claudel) aussi bien qu'elle enthousiasma (Picasso). 

Revenons à la scène représentée. A part la baigneuse (à gauche du tableau) qui se laisse glisser dans un bassin,  les femmes sont au sec, installées dans la salle de repos où thé et musique sont servis. Si elles n'étaient nues, on pourrait les croire dans un salon. Un peintre turc, Mustafa Altintas, fit en 1990 toute une série de variations autour de la toile d'Ingres. L'artiste a rétabli l'espace que le tondo avait aboli, tout en conservant aux femmes leur monde clos. Elles y flottent dans un carré de ciel ou de mer, selon les toiles et le regard qu'on veut bien y porter. Ravies au monde terrestre du salon, les cinq baigneuses dérivent en apesanteur, au sein d'une bulle spatiale ou sous-marine. Le bleu et le rouge (Ingres en avait mis quelques touches) ont envahi la toile : le corps blanc des odalisques reflète les lumières cosmiques ou océanes qu'elles traversent. Les tableaux sont sans titre.








Sources : http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/le-bain-turc
http://www.linternaute.com/sortir/art/bain-turc-ingres/bain-turc-ingres-fg.shtml
http://www.mustafaaltintas.com/v3_plt/platin.aspx?platinID=76&section=3&subSection=cat&subSectionID=33&lang=ENG

mardi 22 avril 2014

Vénus née des flots


La Naissance de Vénus,
Sandro Botticelli, vers 1485
Un de mes amis soulignait le caractère passablement gore de la mort d'Orphée. Et la naissance de Vénus donc ! Sa splendide nudité surgissant de la mer est à jamais associée au célèbre tableau de Botticelli. Les peintres ont préféré esquiver l'épisode précédant cette glorieuse apparition : Cronos châtrant Ouranos, son père dont il jeta les testicules à la mer. Du sang et de l'écume mêlés, naquit la déesse de la beauté.

Arnold Böcklin, 1872
J'apprends (je ne fais que cela sur ce blog !) que les attributs de Vénus-Aphrodite font d'elle une divinité à la fois marine (protectrice des ports, pouvant calmer la mer), terrienne (déesse du mariage tout autant que de l'amour vénal) et aérienne (veillant sur les acropoles et l'amour céleste). Elle est, avec Jupiter, la divinité gréco-romaine la plus représentée dans la peinture. Figurée invariablement nue (un pan de voile ou de cheveux dissimule tout au plus son pubis), Vénus-Aphrodite procède de l'effleurement : celui des voiles au contact de son corps, celui de son corps au contact de l'eau. Elle naît posée sur un immense coquillage ou le dos d'une créature marine. Si Vénus touche l'eau de la mer, jamais elle ne s'y enfonce. Si elle s'y allonge, son flan est porté, frôlant la surface des flots. La mer est sa couche, comme le sont les nuages sur d'autres représentations : Vénus au corps plantureux mais apesant et subtil. Privilège de déesse.


Naissance de Vénus, Alexandre Cabanel, 1863


Image illustrative de l'article La Naissance de Vénus (Boucher)
Naissance de Vénus, François Boucher, 1754


Nymphes des eaux, Paul Delvaux, 1938


Sources : http://mythologica.fr/grec/aphrodite.htm
http://www.mythologie.fr/Farnesina_Psyche_peintures.htm

+ pour une immatérielle Vénus


Voici deux versions de la naissance de Vénus. Elles ont en commun une immatérialité, comprise et interprétée de façon différente. Les rassembler ici m'a paru intéressant. L'une est l'oeuvre de Lovis Corinth, peintre allemand à la charnière du XIXème et du XXème siècle. La formule consacrée est qu'il fit une synthèse personnelle, unique en son genre, des mouvements impressionniste et expressionniste. Dans sa Naissance de Vénus, la déesse n'émerge pas tant de la mer que de la peinture elle-même. Elle apparaît sous la forme d'une vaporeuse énergie. J'y ajoute un tableau du symboliste Odilon Redon. Le peintre bordelais a traité ce thème mythologique à travers plusieurs toiles. Je choisis celle où la déesse lévite. La mer n'y est figurée que par le coquillage géant où Vénus dort, blottie dans sa chrysalide marine en forme de vulve. 


Naissance de Vénus, Lovis Corinth,
1923
Odilon Redon, 1912























Source : http://lunettesrouges.blog.lemonde.fr/2008/04/05/lovis-corinth/

lundi 21 avril 2014

Les grandes eaux du Cirque du Soleil


Affiche japonaise de
Worlds Away,  2012
Worlds Away est un film interprété par la troupe du Cirque du Soleil : il agit d'extraits de spectacles assemblés sous forme de fiction. Une histoire assez conventionnelle (deux amoureux sont séparés et vont se chercher à travers des univers inquiétants et féériques) sert de fil narratif à cet enchaînement de numéros éblouissants. Voulu par James Cameron (Titanic et Avatar), réalisé par Andrew Adamson (Shreck), le film a été tourné en 3D avec les caméras developpées pour Avatar. Il vaut pour ses spectaculaires tableaux et les effets de caméra -on le devine- propres à couper le souffle. Ce qui m'amène à parler du film est néanmoins d'un autre ordre : nous en étions à l'eau...


Tout se passe comme si les moyens offerts par le cinéma avaient ouvert au Cirque du Soleil les ressources artistiques de l'eau : ballets nautiques (avec underwater shooting, il va sans dire), supplice du jeune premier livré aux appétits de sirènes-murènes (lumière rouge, grand frisson), descente des chevaux de bois, des cintres jusqu'aux eaux bleues d'un lagon ...

Tableau In an octopus's garden
Mais le plus magique est sans doute cette scène où le héros se réveille sur un lit au fond de la mer. Au-dessus de lui virevolte tout un monde de poissons vifs, calamars cornus et ondoyantes méduses. Cette séquence n'a pas eu besoin d'eau : la profondeur du chapiteau figure à merveille un vaste aquarium et les acrobates, tels des poissons... dans l'eau y évoluent avec leur talent habituel. Les méduses dans leur translucide crinoline sont formidables.


Le ciel a sa part dans le spectacle : y vogue un fantomatique bateau doté, tel celui du Capitaine Crochet, d'un équipage véhément. Ce tableau est un bijou : les trapézistes semblent voler. La musique, mi-gaélique mi-orientale, rythme leur agilité de démons. 


Sources : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=203790.html
https://www.youtube.com/watch?v=SF4-_H-PL38 (si vous voulez voir le tableau In an octopus garden)