mardi 8 avril 2014

Voix des anges, voix étrange


Compilation par Virgin Classics
Je réfléchis beaucoup à ce qu'il convient de publier ou pas sur ce blog. Musique et apesanteur fut, à ce titre, un petit challenge, je m'en suis ouverte dans le premier billet du mois. Donc mythologie, flûte, Debussy, thérémine... Et mon cher opéra n'aurait rien à apporter à la chose ? Tss-tss ! J'avais d'abord pensé à Klaus Nomi et sa version de The Cold Song de Purcell. Mauvaise idée mais bonne piste : c'est évidemment dans la voix singulière des contre-ténors et des falsettistes que je vais débusquer des trésors d'apesanteur sonore. 


Le grand castrat Farinelli, par
Jacopo Amigoni, vers 1750
A cela plusieurs raisons. Chercher l'apesanteur ici, c'est d'abord partir à la quête de l'aigu : que la note plane haut et longtemps, aérienne. Le timbre de la voix devrait, idéalement, être légèrement métallique et froid, doté d'un vibrato à peine perceptible. Nous aurons alors un son désincarné, affranchi de sa condition purement terrestre. En quoi les contre-ténors correspondraient-ils à cette définition ? En cela que leur voix est foncièrement artificielle : elle résulte d'une technique vocale très élaborée qui parvient à contrecarrer les lois de la nature et celles de leur larynx. Ces chanteurs se sont pliés aux diktats de l'art du falsetto. Fausset... le mot est en soi éloquent. Rappelons que les castrats -qui obtenaient leur tessiture au prix d'une opération faite avant la puberté- avaient en revanche un chant naturel : on avait altéré leur production d'hormones et donc leur voix mais pas leur façon de s'en servir. 


Album de Cecilia Bartoli, en
hommage aux castrats, 2009
Voici donc des hommes chantant en voix de tête pour atteindre la tessiture féminine (une octave plus haut) qui était aussi celle des castrats, castrats dont ils reprennent le répertoire. Nous sommes dans la confusion des voix et des genres. Une voix d'homme, même contrainte à l'octave supérieure (me voilà à vérifier que le mot octave est bien féminin ; confusion n'était pas un vain mot !) n'est pas une voix de femme pour autant. Première étrangeté. Par ailleurs, le chant des contre-ténors manque de chaleur et d'humanité. Ce timbre à la fois asexué et aigu brouille nos repères et incendie notre imaginaire.


Qui allons-nous écouter ? Philippe Jaroussky. Ce contre-ténor est entré en musique fort jeune, par le violon puis le piano, avant de choisir le chant, à l'âge de 18 ans. Qu'il ait fait ses débuts sur scène 3 ans plus tard dit assez le talent insolent qui est le sien.


Alto Giove, est une aria extraite de Polifemo, un opéra composé par 
Nicola Porpora en 1735. Le rôle-titre fut créé Farinelli.

Représentation à l'opéra de Versaille, 2009


Pie Jesu est extrait de La Messe de Requiem en ré mineur (1888) de Gabriel Fauré. La partie soprane fut écrite pour une voix de femme.

Du pur apesant vocal, n'est-il pas ?

Sources : https://www.youtube.com/watch?v=wD9z-7I7JV4
https://www.youtube.com/watch?v=xTf14maKtT8&list=RDxTf14maKtT8

2 commentaires:

  1. connais-tu Klaus Nomi ?
    sa tessiture : baryton-basse à celle contre-ténor
    style musical : new wave expérimental
    son look : extraterrestre et synthétique inclassable

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  2. Et puis, dans l'esprit de ce blog, j'aurais plutôt choisi Cencic qui grâce à son goût du théatre et du travestissement joue avec l'insaisissable...

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