dimanche 13 avril 2014

Lyre d'Hermès, d'Apollon et d'Orphée



Jean de Bologne,
vers 1580
Né de bon matin, il jouait déjà de la lyre le midi et volait les boeufs d'Apollon le soir. Rhétorique du raccourci, Homère résume en trois temps la personnalité du dieu Hermès (Mercure pour les Romains) : précoce, esprit aussi inventif qu'astucieux, de surcroît doté d'un talent certain pour la rapine. Zeus comprend immédiatement le parti à tirer d'un tel caractère, dote ce jeune fils d'attributs ailés (sandales et casque), du pouvoir de se rendre invisible et en fait le messager de l'Olympe. Dieu des routes et du voyage, des échanges et, par extension, du commerce, il est aussi -par travers divin- celui des voleurs (les monte-en-l'air, selon la délicieuse périphrase argotique). Venons-en à la lyre qu'Hermès, inventa, dit-on, encore enfant.


Lyre antique grecque
reconstituée par
Annie Bélis (CNRS)
Une infortunée tortue passant près de la caverne où il aurait dû encore têter, Hermès se mit en tête de la tuer et l'éviscérer. L'idée d'un instrument lui était venue... Manquaient les cordes. Son aîné, Apollon gardant distraitement un troupeau de boeufs, l'enfant s'entendit à voler le bétail et, au prix d'un autre carnage, fit des boyaux des boeufs les cordes dont il avait besoin. Le vol ne passa pas inaperçu et l'auteur fut confondu par Zeus. En échange de son pardon, Hermès joua de l'instrument puis, voyant son demi-frère charmé, le lui offrit. Apollon, dieu de la musique et de la poésie chantée, devient ainsi citharède (joueur de cithare) et fait de la lyre un de ses emblèmes. Le chant qu'il en tire ravit les dieux, les bêtes les plus féroces et jusqu'aux pierres qu'il a le pouvoir de soulever.



Orphée charme les animaux,
mosaïque romaine, vers 225
Vint au monde Orphée. Né des amours d'un demi-dieu et de Calliope, le garçon montre très tôt des talents exceptionnels pour la poésie et le chant. Instruit et parrainé par Apollon, il reçoit des mains du dieu la lyre d'Hermès à laquelle il ajoute deux cordes (ainsi portées au chiffre de 9, en hommage aux neuf Muses). Son art tient du prodige : aux sons mêlés de sa voix et de la lyre, Orphée envoûte hommes, animaux, rochers et montagnes. Il épouse Eurydice mais, le jour-même des noces, la morsure d'un serpent envoie la jeune femme au royaume des morts. Orphée décide de descendre aux Enfers et d'en ramener sa femme.


Jules-Elie Delaunay, Orphée 
et Eurydicegrand foyer de
 l'Opéra de Paris, vers 1874
Armé de sa seule lyre, il affronte le passeur Charon, le monstrueux Cerbère, traverse le Tartare où errent les âmes en peine et parvient jusqu'au trône d'Hadès. L'art d'Orphée est si puissant que les divinités souterraines accèdent à sa demande : il est autorisé à repartir avec son aimée, à la seule condition de faire le chemin sans jamais la regarder tant qu'elle appartient au royaume des morts. Par méprise (il vient de faire son premier pas à la lumière du jour), Orphée enfreint trop tôt la règle, se retourne et Eurydice, encore dans les ombres, lui est arrachée cette fois-ci, à jamais.


Lamentations d'Orphée, Alexandre
Séon, 1896
Accablé de douleur, Orphée sombre dans un interminable deuil et reste fidèle au souvenir d'Euridyce. Croisant un jour un groupe de Ménades, le poète est attaqué par ces femmes qui, en proie à l'hystérie collective, le tuent et le dépècent. La légende veut que la tête qu'elles avaient arrachée puis jetée à la mer, soit remontée en chantant jusqu'à l'île de Lesbos, terre de poésie. Les Muses ensevelissent Orphée au pied de l'Olympe. Apollon, quant à lui, reprit la lyre et la mit au ciel. Elle deviendra constellation que l'on sait.



La Tête d'Orphée (détail)
Gustave Moreau, 1865
Le mythe d'Orphée est, on le voit, des plus sombres. Il est aussi des plus fondamentaux. Il fut prolongé par plusieurs légendes et alla jusqu'à engendrer, au VIème siècle avant J.C, un courant religieux hautement ésotérique -l'orphisme- qui influença entre autre Pythagore et Platon. Les artistes, de leur côté, ne pouvaient que recevoir fortement cette histoire où poésie, chant et mort s'articulent en une métaphore édifiante sur l'art. Peintres, compositeurs, poètes, dramaturges et cinéastes en ont fait d'innombrables représentations, interprétations et transpositions. 


Sources : http://mythologica.fr/grec/hermes.htm
http://mythologica.fr/grec/orphee.htm
http://fleche.org/lutece/expo/orphisme.html (synthèse sur l'orphisme)
http://leslettresdevictor.weebly.com/orpheacutee-et-euridyce.html

2 commentaires:

  1. Et encore..., je vous ai épargné la fin de l'histoire de Marcyas (le satyre qui ramassa la flûte jetée par Athéna) : il eut l'affront de provoquer Apollon en un duel musical (flûte contre lyre) et y perdit plus que son pari. Apollon (très mauvais ...gagnant) le fit écorcher vif.

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