lundi 7 avril 2014

L'étherophone ou quand l'air chante


Clara Rockmore, diva
du thérémine, vers 1930
Il était une fois un instrument qui n'avait ni touches ni cordes, ni embout ni caisse de résonance. En jouer consistait à caresser l'air au-dessus des deux antennes qui lui servaient de clavier virtuel. Ce sortilège poétique et légèrement incongru doit beaucoup à la fée électricité. Né en 1919, le thérémine est de facto le premier instrument de musique électronique. En l'invitant ici, nous passons subtilement de l'apesant à l'a-touchant.

Lev Theremine faisant
une démonstration, c. 1920
Issu d'une famille de Saint-Pétersbourg, le jeune Lev Sergueïvitch Therem est passionné de musique et de physique, domaine auquel il se consacre d'abord. Devenu ingénieur en génie électrique, il travaille à l'élaboration d'un système d’alarme. Le voisinage de deux sources émettant des fréquences hertz élevées, crée un signal audible ; l'idée était de repérer la perturbation sonore que provoque l'intrusion d'un corps dans ce champ magnétique. Lorsqu'il prend conscience des capacités musicales de son invention, Lev passe -littéralement- du champ au chant électromagnétique. L'instrument est mis au point parallèlement à la technique (ô combien particulière !) qu'il faudra maîtriser pour en jouer. Conçue en 1919, plébiscitée l'année suivante par Lénine qui y voit la preuve du génie soviétique (... au point de prendre des leçons), l'invention est d'abord nommée étherophone et peut démarrer son étrange carrière artistique.


Charlie Clouser en concert
avec Nine Inch Nails,

crédits haroldbeukers.nl
Mélange insolite de violon, scie musicale et  vocalise de soprane, la voix du thérémine est singulière mais n'a rien de réellement beau. Son pouvoir de fascination tient tout entier dans la façon d'en jouer. L'instrumentiste ne touche pas son thérémine mais caresse l'air, à proximité de l'antenne verticale pour jouer les notes ; de l'antenne courbe pour moduler l'intensité. Le geste rappelle celui d'un maestro. L'extrême concentration de l'interprète renforce l'analogie : le thérémine est infiniment complexe à maîtriser. Et interloque qui assiste à la performance.

Pochette d'album de 
Lydia Kavina, 2008
Vous mâchonnez peut-être dans votre barbe "jamais entendu ce truc-là." Vous ayez probablement tort. Si l'âge d'or du thérémine se situe dans les années 30, l'instrument n'a jamais disparu. Quelques compositeurs modernes en ont tâté, les rock bands, la musique pop et la variété ont régulièrement réclamé ses bons services. Mais c'est surtout au cinéma que l'instrument doit son deuxième souffle. La singularité du son émis sert à merveille les ambiances inquiétantes : de Spellbound de Hitchcock à Le Silences des agneaux, en passant par une liste impressionnante de films et séries de science-fiction.


J'ai choisi une vidéo de Peter Pringle : cet enregistrement d'amateur a sans doute ses limites artistiques mais je le trouve émouvant. La prise de vue en plongée est par ailleurs intéressante pour la netteté des mouvements. 



Sources : http://fiches.lexpress.fr/personnalite/leontheremin_495539/biographie
http://ez3kiel.atelier-arts-sciences.eu/?p=181
http://www.larevuedesressources.org/le-theremine,1608.html
https://www.youtube.com/watch?v=K6KbEnGnymk

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