mercredi 23 avril 2014

Quand le Bain turc d'Ingres s'en va flottant


Le Bain turc, Jean-Auguste-Dominique Ingres,
1862

Le Bain turc est la dernière toile d'Ingres. Il la signa à l'âge de 82 ans, après l'avoir travaillée et retravaillée près de 15 ans. Outre le perfectionnisme (connu et avoué) d'Ingres, il s'agissait, dans ce cas précis, de produire une oeuvre maîtresse, synthèse de son art. Avant de parler du travail qu'un artiste contemporain fit autour du Bain, attardons-nous sur l'oeuvre.

Photo de 1859, montrant
Le Bain Turc dans sa
forme initiale
C'est une scène de harem. Nous y voyons un groupe de femmes se délassant dans la salle de repos du hammam. Le tableau associe le motif du nu et le thème de l'Orient. Fait de corps alanguis et offerts, il baigne dans l'érotisme. Commandé à Ingres par un membre de la famille impériale (nous sommes sous le Second Empire), le tableau fut livré en 1859 puis renvoyé au peintre car jugé trop osé. Il était alors de forme rectangulaire. Ingres reprend la toile, décide d'en faire un tondo (forme circulaire) : la femme étendue (à droite) qui scandalisa tant le premier acquéreur, est en partie escamotée, l'arrondi souligne le côté clos de ce monde de nudité. Enfin, le tondo nous place dans la position de l'indiscret qui observe la scène par la lucarne. 

Le foulard de la joueuse
de luth, épicentre de la toile
L'érotisme du tableau y gagne, la composition -déjà construite sur des tracés circulaires- aussi, devenant plus enveloppante. Le tableau fut finalement acquis par Khalil Bey, ambassadeur ottoman. Peu de risque de pruderie chez ce collectionneur éclairé, commanditaire de L'Origine du monde de Courbet. Le tableau ne fut révélé au grand public qu'en 1905, à l'occasion d'une rétrospective consacrée à Ingres, 38 ans après sa mort et entra au Louvre en 1911. Audacieuse de sujet et de traitement, la toile scandalisa (Paul Claudel) aussi bien qu'elle enthousiasma (Picasso). 

Revenons à la scène représentée. A part la baigneuse (à gauche du tableau) qui se laisse glisser dans un bassin,  les femmes sont au sec, installées dans la salle de repos où thé et musique sont servis. Si elles n'étaient nues, on pourrait les croire dans un salon. Un peintre turc, Mustafa Altintas, fit en 1990 toute une série de variations autour de la toile d'Ingres. L'artiste a rétabli l'espace que le tondo avait aboli, tout en conservant aux femmes leur monde clos. Elles y flottent dans un carré de ciel ou de mer, selon les toiles et le regard qu'on veut bien y porter. Ravies au monde terrestre du salon, les cinq baigneuses dérivent en apesanteur, au sein d'une bulle spatiale ou sous-marine. Le bleu et le rouge (Ingres en avait mis quelques touches) ont envahi la toile : le corps blanc des odalisques reflète les lumières cosmiques ou océanes qu'elles traversent. Les tableaux sont sans titre.








Sources : http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/le-bain-turc
http://www.linternaute.com/sortir/art/bain-turc-ingres/bain-turc-ingres-fg.shtml
http://www.mustafaaltintas.com/v3_plt/platin.aspx?platinID=76&section=3&subSection=cat&subSectionID=33&lang=ENG

1 commentaire:

  1. C'est drôle, c'est le tableau qui représente mon ami Dominique, dans la chambre d'ami-es... Tous ces petits tableaux formeront une mosaïque à l'image des gens qui y dorment.

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