lundi 12 mai 2014

Le pain tombé du ciel


La Manne, Jean-Baptiste
Champaigne, vers 1656
C'est un de mes épisodes bibliques préférés. Il surclasse à mes yeux de mécréante la multiplication des pains qui fait un tantinet esbroufe épicière. J'aime beaucoup aussi la sarabande autour du veau d'or mais c'est moins léger.  Alors, ce pain tombé du ciel, on en dit quoi chez les théologiens et chez les botanistes ? Ils sont d'accord sur un point : dans le désert du Sinaï, le phénomène de la manne a existé. Et existe toujours quoique pas exactement sous la forme que Champaigne lui prête sur le tableau qu'on voit ici.


Comme s'il neigeait de la farine
Pour les oublieux (et moi-même à qui une petite révision ne fera pas de mal) : Moïse conduit son peuple hors d'Egypte, vers le pays de Canaan. Selon le livre de L'Exode, les 40 années que dura la traversée du désert furent ponctuées de miracles : la mer Rouge s'ouvrit, de l'eau jaillit de rochers, des vols de cailles s'abattirent comme autant de providentiels kebab et la manne tomba du ciel. Yahvé s'était engagé à accomplir ce miracle-là, jour après jour. Je vais faire pleuvoir pour vous du pain depuis le ciel.  Le peuple sortira pour en recueillir chaque jour la quantité nécessaire.

Planche extraite du Livre des
nombres
, Bible Mortier, 1700
Ce pain allait s'avérer d'un genre nouveau. Ainsi (toujours tiré de l'Exode, XVI) ...au matin il y eut autour du camp une couche de rosée. Quand cette couche de rosée se leva, le désert était recouvert de quelque chose de menu, de granuleux, comme le givre sur la terre. Les Israélites regardèrent et se dirent l'un à l'autre : «Qu'est-ce que c'est ?» Ce qui, en hébreu, se dit man hû. Le mot resta donc pour désigner cette providentielle substance venue du ciel et qui fut le pain quotidien des voyageurs. Juste choix que celui d'un nom en forme de question, face au surnaturel. 

Une possible explication
Passons sans transition à des considérations botaniques. Les Bédouins du Sinaï connaissent bien un liquide translucide sécrété par une variété de tamaris : tombé à terre, il se durcit sous l'effet du froid nocturne. Doux au goût, c'est une friandise que les enfants se disputent. Cette sécrétion n'est pas un fruit de l'arbre mais sa réaction à la piqûre d'un parasite (la cochenille trabutina mannipara). Le tamarix mannifera n'est pas le seul arbre à produire un exsudat sucré. Ce phénomène est commun aux cèdres au Liban, à certains chênes en Mésopotamie, à l'eucalyptus en Australie et jusqu'aux frênes en Sicile. Ce sont les archéologues qui les premiers ont mis en relation cette pâte comestible et la manne céleste de l'Exode. 

Tamarix mannifera,
désert du Sinaï
Dès 1823, deux naturalistes allemands, Wilhelm Hemprich et Christian Gottfried Ehrenberg, partirent en Orient pour enquêter. Au siècle suivant, les biologistes Frederick Simon Bodenheimer et Oskar Theodor firent également le voyage et constatèrent le  phénomène. Qu'il se soit produit, pendant 40 ans, en quantité suffisante pour nourrir tout un peuple n'est pas une assertion scientifique. Néanmoins, les études sur les famines chez les nomades du Sahara affirment que sa consommation a aidé à lutter contre la faim.


Sources : http://bible.archeologie.free.fr/manneceleste.html
http://biblique.blogspirit.com/archive/2011/10/07/la-manne-c-est-quoi.html
http://encyclopedieberbere.revues.org/2015 (thèse du rôle de la manne comme nourriture de survivance chez les peuples du désert)
http://www.universalis.fr/encyclopedie/manne/

2 commentaires:

  1. mais on oublie que la manne est aussi un insecte appelé héphémère… et que sur "la planche extraite du Livre des nombres", ce sont bien de petits animaux qui virevoltent dans le ciel ! C'est connu, les insectes sont une excellent source de protéines. L'Insectarium de Montréal fait d'ailleurs une dégustation annuelle : espacepourlavie.ca/insectarium

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