dimanche 18 mai 2014

Dessine-moi une équation


L. Derobert, poète
ès logarithmes
Connaissez-vous l'adage selon lequel il faut avoir l'âme d'un poète pour entrer en mathématique ? Cours de mathématiques existentielles, l'étonnante installation que le Palais de Tokyo abrita en avril 2012, avait tout pour convaincre ceux qui, jusque là, ne voyaient dans ces mots qu'une dérisoire tentative de hausser les maths au rang d'art sensible. Il faut reconnaître que Laurent Derobert a l'art de transfigurer les équations. Docteur en sciences économiques et chercheur de son état, il interroge notre rapport à autrui et au monde en reformulant la problématique en langage mathématique. Et nous nous étonnons de le trouver si naturellement fait pour transcrire les quêtes les plus universelles de l'âme humaine.

Le douanier Rousseau,
La Muse inspirant le 

poète, 1909
Il s'agit en effet d'un travail de traduction, de transposition. Ainsi, faire le deuil d'un amour, c'est s'émanciper de l'attirance vers l'autre, de sa force gravitationnelle. En physique, le phénomène se nomme vitesse de libération. Reconnaissez que cela appelle un rapprochement. Combinez la rigueur de qui connaît les lois de la gravité et la sensibilité de qui s'interroge sur l'amour et vous obtiendrez une équation délicate quoique rigoureuse. Ainsi va Laurent Derobert pour qui l'infini mathématique et l'infini poétique n'ont aucune raison de différer. Les mathématiques existentielles sont douces, méditatives. Elles n’expliquent rien, elles expriment. Pour le Palais de Tokyo, Laurent Derobert a imaginé une constellation reliant plusieurs coupoles où figurent quatre de ses plus précieuses formules. Je les regarde, regrettant de ne pouvoir les murmurer : je suis sûre qu'avec leurs lettres tirées des alphabets grec et hébreu, elles chantent comme un mantra. Signe sonore de poésie.


Vitesse de libération de l’être


En physique on nomme vitesse de libération la vitesse qu’il faut imprimer à un corps pour qu’il s’émancipe de la pesanteur d’un autre, qu’il échappe à son attraction gravitationnelle. La lettre Haïn, 16e lettre de l’alphabet hébreu, désigne la vitesse qu’il faut donner à un être (l), pour qu’il se libère de la pesanteur d’un autre (*l), c’est à dire qu’il s’en éloigne infiniment (les parenthèses signifient ici distance). En d’autres termes, Haïn indice l est la vitesse ainsi définie : celle qui, imprimée à l fera tendre la distance entre l et * l vers l’infini (symbole après les deux vagues qui, quant à elles, signifient à peu près égal).


Force d’attraction de l’être rêvé 


Le l circonflexe signifie l’être rêvé (libre de définition…). Le delta minuscule est symbole de la dérivée. Ici la dérivée est seconde (puissance 2), t signifie le temps (on dérive par rapport au temps), et psi le poids de l’idéal (importance accordée au rêve par le sujet). La dérivée seconde des mouvements de l’être donne son accélération, laquelle multipliée par le poids de l’idéal donne une force d’attraction (métaphore de la 2e loi de Newton sur l’attraction gravitationnelle), celle de l’être rêvé.


Asymptote des mondes


En mathématiques, asymptote signifie ce vers quoi l’on tend sans cesse mais que l’on n'atteint jamais, si ce n’est en l’infini peut-être. L’asymptote des mondes est signifiée ici par la cinquième lettre de l’alphabet hébreu (le Hé, lettre du souffle et de la louange). Hé est ce monde ainsi défini : tel que la distance du monde (L) avec lui tend vers 0 en l’infini (i. e. qu’ils tendent à se confondre au terme des jours). Nota : les lettres en hébreu signifient en mathématiques existentielles les valeurs limites.


Sources : http://www.palaisdetokyo.com/fr/ressources/biographies/laurent-derobert
http://palaisdetokyo.com/fr/exposition/performances/cours-de-mathematiques-existentielles

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire