mercredi 14 mai 2014

Cuisine-moi une molécule


La Corde sensible,
René Magritte, 1960
Jusqu'à la préparation de ce billet, je ne connaissais rien à la cuisine moléculaire. J'avais fait le lien avec l'apesanteur sur une vague intuition : le nom fleurait bon la destructuration de la matière et peut-être aussi le futurisme. La recherche menée a dépassé mes espérances. Si la cuisine moléculaire avait une devise ce serait piquer l'impalpable du bout de sa fourchette. Et tout ça, grâce à une poudre de perlimpinpin -au nom sautillant d'agar-agar- mijotée à petits jets d'azote. Pas de quoi alourdir notre estomac.


Confiture de fraises, sur
lacuisinedebernard.com


Commençons par nous mettre d'accord sur la relation entre cuisine et chimie à l'aide d'un exemple simple. Pour que la confiture ait la consistance idéale, mieux vaut la préparer dans une casserole en cuivre. C'est de la chimie empirique. Les cuisinières ont fait un constat que la science explique : le cuivre oxydé réunit les molécules de pectine que la cuisson libère et favorise la formation d'un réseau qui piège l’eau et les fruits. Une pincée de calcium aurait eu le même effet.


Des casseroles telles des
cornues de laboratoire
A l'origine, la cuisine moléculaire est donc une branche de la chime étudiant les altérations moléculaires que tout acte de cuisine suppose. Cette discipline veut s'interroger sur des gestes familiers venus de l'habitude et transmettre du savoir scientifique à partir d'élément de la vie quotidienne. (Hervé This, physico-chimiste pionnier en la matière). Les chefs, amenés à collaborer à la recherche eurent vite fait d'étendre les découvertes faites du seul laboratoire aux tables des restaurants.


Caviar de sirop de fraise,
de menthe et de curaçao
Née en 1980, la cuisine (ou gastronomie) moléculaire s'engagea dans une voie que rien dans ses objectifs initiaux n'annonçait : créer des plats à la présentation et au goût inédits. Elle devint un énième avatar de la nouvelle cuisine. Les arrière-salles de restaurants prirent des airs de laboratoire avec des instruments de cuisine d'un type nouveau. Aux côtés des condiments connus apparurent des adjuvants aux propriétés gélifiantes. Et l'azote liquide fit son entrée en cuisine.


Cocktail de science-fiction
L’azote est un gaz neutre qui compose 78% de l'air que nous respirons. Il est utilisé depuis longtemps pour surgeler les denrées alimentaires, ayant la particularité de préserver leurs qualités nutritives. A -196°C, ce gaz devient liquide. En cuisine moléculaire, il est apprécié pour la consistance onctueuse qu'il apporte aux l'aliments auxquels on le mélange. Vaporisé, il se transformant en vapeur, permettant des présentations inédites et attractives. 


Omelette destructuée
créée par Ferran Adria
La cuisine moléculaire, avec ses textures et ses formes inhabituelles, est une expérience gustative nouvelle. Les nouilles d'épinards ou de framboises sont faites sans farine ni oeuf. Jus et sirops se transforment en caviar. Les boissons fument, les crèmes sont craquantes à l’extérieur, on cuit avec le froid... Côté créativité, les possibilités semblent illimitées. Par ailleurs, les produits utilisés pour les déstructurations sont naturels (algues, calcium, lécithine) et les avantages pour la santé réels : la cuisine moléculaire permet de contourner de nombreuses allergies et nécessite peu de matière grasse. Finissons avec une démonstration en vidéo : que diriez-vous d'essayer le vent de betteraves. Vous avez bien un petit fond de lécithine de soja dans vos placards ?




Sources : http://www.espace-sciences.org/archives/science/11983.html
http://secrets-de-la-casserole.e-monsite.com/pages/histoire-de-la-cuisine-moleculaire.html
http://www.carbagas.ch/fr/optionelle-2/aliments-boissons/weitere-anwendungen/kochen-mit-flussigem-stickstoff.html (auteur du paragraphe sur l'azote)
https://www.youtube.com/watch?v=uMlkjAm7RCo

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