vendredi 31 janvier 2014

De l'Olympe, des dieux et de nous


J'avais annoncé un détour par la mythologie gréco-romaine. Nous sommes fils et filles de l'antique civilisation grecque. Notre représentation du monde, notre imaginaire sont imprégnés à jamais de ses mythes. L'expression consacrée est mythes fondateurs. Ceux présentés ici le sont indéniablement.  

Psyché reçue dans l'Olympe, 1524
Polidoro Caldara da Caravaggio
L'art, de la peinture à la sculpture, de l'opéra au cinéma, du classique au fantastique -science fiction comprise- a assuré la pérennité de ces dieux : dépouillés de toute crédibilité religieuse, ils sont devenus nos archétypes universels. Nés en Grèce antique, repris puis largement propagés par l'empire romain, ils ont pénétré jusqu'à notre parler moderne qui y fait d'incessantes références (potion aphrodisiaque, force herculéenne, allure martiale, foudres jupitériennes), ont donné leur nom aux planètes du système solaire ainsi qu'aux jours de la semaine. La psychanalyse y a trouvé matière à baptiser ses plus beaux complexes. Et, bien sûr, ces homérique épopées que sont L’Iliade et L'Odyssée n'en finissent pas d'enchanter les enfants et de nourrir les programmes scolaires. Petit rappel des origines. Selon la théogonie grecque, tout commença avec un être immatériel (Kronos, Cronos ou le Chaos primordial, selon les auteurs) qui engendra le Monde à savoir la terre, les hommes et les dieux. Dans cette descendance fournie, attachons-nous à celle de ses filles qui nous intéresse le plus ici : Nix, déesse de la Nuit. 

Hypnos et Thanatos portant le corps de 
Sarpedon aux Enfers, amphore circa 500 av. J.C
Elle engendre à son tour de nombreux enfants dont Hypnos et Thanatos. Thanatos est le dieu de la mort et Hypnos la personni-fication du sommeil. Non contents d'être frères, Hypnos et Thanatos sont jumeaux et œuvrent souvent de concert. Hypnos est parfois représenté sur les tombeaux, périphrasant la mort en sommeil éternel. C'est un dieu puissant mais sombre. Son séjour -une caverne brumeuse- est traversé par les eaux du Léthé, le fleuve de l’oubli. 

Morphée, Jean-Antoine Houdon,
1769
Hypnos vint lui aussi à procréer (peut-être incestueusement, avec Nix, sa nuit de mère). Naquit Morphée. Dieu onirique, il est chargé d'entrer dans les rêves des mortels en prenant la forme d'un être cher au dormeur. Le plus énigmatique chez cet illusionniste herma-phrodite est que ce leurre avait pour but de permettre aux mortels d'échapper aux machinations ourdies par les dieux. Si la nuit porte conseil, c'est sans doute grâce aux avertissements qu'Hypnos vient y dispenser.

Nuit et Sommeil,
Evelyn de Morgan, 1878
Enfin cette famille est portée sur la distribution de substances et adjuvants rien moins qu'innocents : Hypnos est représenté tenant à la main des fleurs de pavot, pourvoyeuses de repos paisible et de rêves aimables. Morphée a donné son nom à la morphine. Faut-il préciser que ce petit monde porte des ailes ? Celles de Morphée, rapides et silencieuses, peuvent le mener aux confins de la terre en un instant. Thanatos est également ailé, à l'instar de Nox, il va sans dire.

Premier enseignement : mort et sommeil entretiennent des affinités étroites. Peut-être une question de séparation entre l'être physique et l'être immatériel ? En effet -et c'est le deuxième enseignement- si le sommeil anéantit dans l'oubli, il est également père du rêve, un espace singulier où le dormeur a la chance d'échapper au fatum et le privilège d'être en présence d'un dieu, fût-il masqué. Les grandes religions monothéistes ne dédaigneront pas de glisser leurs anges dans le sommeil des élus et des prophètes. Troisième enseignement : semé de graines de pavot, le sommeil tient de l'hypnose et sera fertile en suggestions et hallucinations. Dernier point : mort, sommeil et rêve sont ailés et grands voyageurs de la nuit. Comment ne pas croire que le dormeur soit à son tour ravi, enlevé pour un voyage ?


La Nuit portant le Sommeil et la Mort, 1602
Annibale Carracci  dit Le Carrache 


Source : http://www.sommeil-mg.net/spip/Mythologie-du-sommeil, site formidable d'un médecin que sa pratique clinique a fait s'orienter vers les mécanismes et les pathologies du sommeil. J'y ai pris l'essentiel des informations retranscrites ici ainsi que quelques illustrations.

3 commentaires:

  1. Ah ! et nous voilà au ciel !
    Je crois que tu aimerais lire "L'Univers, les dieux, les hommes" de Jean-Pierre Vernant. Il y a un exemplaire à la médiathèque.

    RépondreSupprimer
  2. Je crois que tu as raison/ Vais noter...
    Tu as vu que je m"'étais trompée et que l'allégorie de la mort, du sommeil et du rêne n'était pas un Caravagge mais un Le Carrache (dont j'ignorais l'existence) ! Du coup, j'ai fait l'effort de trouver une représentation mythologique par da caravaggio. Quand même !

    RépondreSupprimer
  3. et moi, je t'ai soutiré Morphée…

    RépondreSupprimer