samedi 1 février 2014

Cocteau, portraitiste du sommeil des hommes


Le romancier Raymond Radiguet, vie 
fulgurante fauchée à 20 ans
Jean Cocteau a traqué les mystères du sommeil sur le visage de ses amants endormis. La fascination inquiète face à cette absence de l'autre (ton corps est là, mais toi, où es-tu parti ?) lui a fait crayonner des portraits de Raymond Radiguet ou Jean Marais, dans l'abandon de leur sommeil. Ceux rassemblés dans Vingt-cinq dessins d'un dormeur sont consacrés au poète Jean Desbordes. D'abord exposés dans la galerie parisienne Les Quatre-Chemins, ces dessins font, en 1929, l'objet d'un tirage en édition limitée. Un dormeur est le modèle des modèles. On risque en le copiant avec patience de copier l’élément où il baigne et de portraiturer, sans préméditation, l’atmosphère du songe. écrit Cocteau dans la préface. Dessinateur, graphiste, dramaturge mais avant tout poète, Cocteau mit des mots sur l'étrangeté du sommeil. Ci-dessous, deux poèmes extraits du recueil Plain-Chant (1923). Le premier est la contemplation anxieuse du sommeil de l'aimé ; l'autre est une ode au rêve. On y retrouve le mythe de Morphée, visiteur nocturne et escamoteur de réalité.


Portrait extrait de Vingt-cinq 
dessins d'un dormeur
Mauvaise compagne, espèce de morte,  
De quels corridors,
De quels corridors pousses-tu la porte,
Dès que tu t’endors ?
Je te vois quitter ta figure close,
Bien fermée à clé,
Ne laissant ici plus la moindre chose,
Que ton chef bouclé.
Je baise ta joue et serre tes membres,
Mais tu sors de toi,
Sans faire de bruit, comme d’une chambre,   

On sort par le toit.



"Puisse durer toujours une si grande joie
Qui cesse le matin,
Et dont l'ange chargé de construire ma voie
Allège mon destin.

Léger, je suis léger sous cette tête lourde
Qui semble de mon bloc,
Et reste en mon abri, muette, aveugle, sourde,
Malgré le chant du coq.

Cette tête coupée, allée en d'autres mondes,
Où règne une autre loi,
Plongeant dans le sommeil des racines profondes,
Loin de moi, près de moi."

(extrait)

Où part le dormeur ? Pour quel voyage a-t-il embarqué ? Nous allons prêter une oreille prudente à la réponse ésotérique, prendre consciencieusement note de l'avis médical puis foncer sur l'analyse freudienne des rêves. Et bien sûr, nous délecter des oeuvres où les artistes ont exploré cet énigmatique vie parallèle que chacun mène au coeur du sommeil.


Portrait de Jean Marais dormant, Jean Cocteau
1947, crayon sur papier
 

Sources : http://education.francetv.fr/dossier/jean-cocteau-o32566-portraits-et-auto portraits-4883, http://bibliotheque-gay.blogspot.com/2013/01/25-dessins-dun-dormeur-jean-cocteau-1929.html
Le deuxième poème de Plain-Chant est disponible en intégralité sur http://www.poesie.net/cocto1.htm

1 commentaire:

  1. Cocteau et l'opium… et Morphée. Plus le rêve est doux, plus il est difficile de se libérer de ses bras. Je me réserve ce dieu des rêves.

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