mardi 11 février 2014

Chagall fait flotter les grands maîtres lyriques sous le toit du Garnier


Salle de l'Opéra National de Paris,
crédit : Christian Leiber
Il est dit, avoué et donc à moitié pardonné que ce blog sera le lieu de mes plaisirs et que tout ce que j'aime y figurera. Je vous entraîne donc à l'Opéra de Paris, à la faveur d'un autre billet sur Chagall. C'est à son talent que l'on doit la fresque qui éclabousse de couleurs le plafond du vénérable édifice. Cette année, Paris va célébrer les 50 ans de cette oeuvre qui, à l'époque, fut l'objet d'une houleuse polémique.


Plafond actuel, œuvre de Chagall, 1964
En 1960, André Malraux, alors ministre des Affaires Culturelles, a pour projet de faire repeindre le plafond du Palais Garnier. Il s'adresse à Chagall. La perspective d'un nouveau plafond, masquant l'œuvre d'origine de Lenepveu et celle de voir l'art moderne côtoyer les éléments décoratifs Second Empire déclenchent des torrents de protestations : on crie au saccage de ce haut lieu du patrimoine. Et de la culture bourgeoise. Dans les raisons du choix de Malraux, nul ne connaît la part de 


Plafond d'origine,Eugène Lenepveu, 1872
son amitié et admiration pour Chagall et celle du désir de contrecarrer l'enlisement dont l'opéra -édifice et art lyrique confondus- souffrait. Malraux tient bon et Chagall, surmontant ses hésitations, réalise treize panneaux dont un circulaire qui sera le centre. Cet ensemble de 240 mètres carrés,  monté sur armature, est destiné à cacher mais aussi préserver l'œuvre de son prédécesseur. Le nouveau plafond est dévoilé le 23 septembre 1964, lors d'une soirée inaugurale qui rassemble monde politique et artistique. Plusieurs adversaires du projet changent insensiblement d’avis devant ce nouveau ciel. Est révélé un triomphe de couleur qui semble raviver les ors et les marbres du vieux Garnier. Le plafond originel, aussi académique de style que de nom (Le Triomphe de la Beauté charmée par la Musique, au milieu des Heures du jour et de la nuit), fermait l’espace. Avec sa structure souple et indéfinie, l'éclat de ses couleurs, la composition de Chagall transcende l’atmosphère de la salle et l'ouvre sur un monde nouveau. Si la rupture est totale avec les allégories de naguère, Chagall a souhaité respecter les désirs de l'architecte Garnier : que la coupole soit un firmament où évoluent les plus illustres compositeurs. Mozart, Debussy, Rameau, Wagner ou Stravinsky, ... chacun est représenté dans un chatoiement de couleurs évocant la sensibilité de son univers musical. 

Rouge pour Ravel et Stravinsky


Bleu pour Mozart, jaune pour Tchaïkovski


 Blanc pour Rameau et Debussy


Vert pour Wagner et Berlioz


Le nouveau plafond de la salle de l'Opéra de Paris n'a jamais fait l’unanimité (le monde de l'opéra est foncièrement nostalgique et tourné vers le passé) mais l'innovation a su redonner à l'Opéra Garnier un pouvoir d'attraction qu'il avait perdu dans les années d'après-guerre, en lui insufflant modernité et jeunesse. Marc Chagall refusa d’être payé, expliquant : J’ai travaillé de tout mon cœur et j’offre ce travail en don, en reconnaissance à la France et à son École de Paris, sans lesquelles il n’y aurait ni couleur ni liberté.


Sources : http://www.malraux.org/index.php/articles/1785-abe2013.html
http://www.envrak.fr/scenes/lopera-garnier/ 
http://www.franceinfo.fr/decryptage/le-lieu-de-l-info/le-plafond-de-l-opera-de-paris-1253633-2014-01-05
http://www.brefjeblogue.com/2014/01/08/palais-garnier

1 commentaire:

  1. Diane, tu ne pourras pas me reprocher d'avoir refusé à Chagall une place d'honneur dans le vaste monde du flottement.et de l'apesanteur.

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