vendredi 24 janvier 2014

Le paradoxe de la pachydermique légèreté


Un bienheureux au Botswana,
parc naturel de Shobe
Je suis souvent amenée à m'interroger : sens scientifique et sens métaphorique confondus, l'apesanteur concerne-t-elle à peu près TOUT ou ce blog souffre-t-il de mon obstination à y publier ce qui me chante, au prix de sens figurés de plus en plus contestables ?  Vous levez les yeux au ciel ? Tant pis pour moi. J'assume l'énormité du présent billet et rappelle sans complexe que l'éléphant est le plus gros animal terrestre, que sa hauteur varie entre 2 et 4 mètres, sa longueur entre 6 et 7 et que son poids peut dépasser les 6 tonnes. La grâce que dégage 

Dessin d'éléphant d'Inde
un éléphant au petit trot, tel celui de la photo ci-dessus, n'en est que plus frappante : un déni de lourdeur qui mérite examen. L'explication tient dans la spectaculaire élasticité de l'éléphant, dans l'aisance inattendue qu'il met à se déplacer. Sa stabilité est faite de fluidité. Les oreilles, démesurées, battant au vent contribuent à donner de la légèreté à sa massive figure. C'est bien par l'oreille que l'adorable Dumbo de Disney volait. Quelques artistes se sont attachés à défendre cette version d'un animal alerte. Survol de leur démonstration. 

Barcelone, quartier d'El Raval,
photo de J.C Haelterman, 2011
Voici la facétieuse statue du catalan Miquel Barcelo, Eléphant sur trompe d'abord apparue à Avignon (exposition Terra Nostra, en 2010) désormais installée à Barcelone. Si les éléphants faisaient le poirier, s'aideraient-ils de leur trompe ? Como no ! plaide Barcelo avec cet équilibriste à l'appendice nasal assez musclé pour soutenir son imposante carcasse. Le cirque a voulu exhiber l'éléphant en équilibre, pattounes jointes sur un ridicule tabouret. Triste à pleurer. Cette sculpture, elle, nous le révèle acrobate d'excellence. 

Du Bernin, 
1667


Continuons avec Dali, lequel les a peints et sculptés à loisir, érigés jusqu'au ciel sur d'interminables pattes d'insecte. L'alchimie surréaliste ayant hardiment mélangé l'ADN du pachyderme et celui de l'araignée, les tonnes de chair et les microgrammes de fil, voici engendrée une version héraldique de l'éléphant-échassier mystique porteur d'obélisque en apesanteur au-dessus de son dos. L'éléphanteau de la piazza della Minerva, à Rome, aurait inspiré l'artiste. C'est pour moi l'occasion inespérée de publier une photo de cette statue du Bernin que je chéris entre toutes. Ci-dessous, une des toiles de Dali où les éléphants sont l'élément principal de la composition. Des figures semblables apparaissent sur des tableaux bien plus connus dont Rêve causé par le vol d'une abeille autour d'une grenade, une seconde avant l'éveil, 1944 et La Tentation de saint Antoine, 1946 arpentant de leurs arachnéennes pattes l'arrière plan de scènes un poil grandiloquentes.



Dali, Les éléphants, 1948, huile sur toile


Sources :  http://www.makila.fr/ (photo du parc de Shobe)
http://fr.123rf.com/images-libres-de-droits/  (dessin)
http://www.laurentmarre.com/31-artistes-contemporains-reconnus/miquel-barcelo/ 

4 commentaires:

  1. Moi qui croyais que tu nous amenais vers l'âme et ces "21 grammes", mais non ! c'est Ganesh que je retrouve ! Dieu de la sagesse, de l’intelligence, de l’éducation et de la prudence, le patron des écoles et des travailleurs du savoir. C'est donc pour ça ?

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  2. Oh, Diane, merci ! Je ne sais pas si j'y aurais pensé et pourtant ... l'apesant de la matière versus le poids de l'immatériel. Trop bien ! Les 21 grammes auront leur place et leur billet.J'adore l'idée.
    Ganesh est notre saint patron. Je ne m'étais jamais formulé qu'il n'y a pas (à ma connaissance) de signe astrologique de l'éléphant. Dommage : c'est celui que je revendiquerais volontiers pour moi-même. Cela dit, les jeunes Britanniques que je rencontre me disent toujours : Nelly ? Ever heard of our favorite cartoon, Nellie the elephant ?

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  3. Pour rester dans l'Italie, cela me rappelle qu'il existe un autre éléphant mythique, celui de la fontaine de Catane : légèreté de l'eau et grâce du mouvement de l'éléphant, voilà de nouveaux éléments qui viendront nourrir à coup sûr ce délicieux paradoxe...

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    1. Je le découvre avec vous. Encore un vaillant porteur d'obélisque qui ne ploie pas sous la charge et garde sa grâce. Merci !

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