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Le Char d'Apollon, 1906 |
L'oeuvre d'Odilon Redon (1840-1916) est captivante. Je suis étonnée que la renommée du peintre ne soit pas plus étendue. Généralement classé au rang des symbolistes, plus finement adoubé peintre des rêves par une exposition qui lui fut consacrée au Grand Palais en 2011, il fait surgir de ses tableaux des visions étranges, à la fois vaporeuses et grandioses. Ainsi vont les toiles consacrées au char d'Apollon, thème de prédilection qu'il traita entre 1905 et 1914. Aucune source consultée n'établit le nombre exact de versions du Char d'Apollon que Redon réalisa. J'en ai compté onze. Toutes représentent le quadrige du dieu soleil mené en plein ciel, à diverses heures du jour, de l'aube au soir tombant.
Rappelons que dans la mythologie grecque, le char d'Hélios, dieu du soleil, parcourait le ciel, apportant clarté puis obscurcissement aux jours. Apollon, divinité des arts et de la lumière, lui empuntait parfois son équipage. Peut-être est-ce en le conduisant qu'il parvint à tuer Python, le monstrueux serpent qui vivait au pied du Mont Parnasse. Ces détails sont importants car sur ces toiles, Redon s'est clairement intéressé à la victoire du dieu. Certaines portent le sous-titre explicite de Combat de la lumière contre l'obscurité et toutes donnent à voir -au bas du tableau- les anneaux du serpent agités des convulsions de la mort.
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Odilon Redon, Le Char d'Apollon, 1910 |
Python anéanti, le triomphe d'Apollon est total et c'est cette victoire de la vie que célèbre chacune des toiles de la série. Redon fait éclater les couleurs (à ne pas croire qu'il fut pendant 20 ans le peintre du fusain, adepte exclusif du noir). Peinture à l'huile avec rehauts de pastel, la version de 1910 représente un ciel de matin encore strié d'aurore. La lumière prévaut sur la forme, la dissout ; seuls les chevaux sont distincts, premiers sortis de cette double naissance : celle du jour et celle d'une ère d'où le serpent est banni. Le dieu est comme noyé dans son propre éclat. La pureté du ciel -un camaïeu de bleus enrichi de vert à proximité du char- est admirable. On flotte dans l'éther. Les blancs chevaux tirent vers le haut ; un seul observe la gueule du serpent moribond. La mort du mal rend sa légèreté au monde, comme dompter ses démons (nés de la guerre de 1870) a rendu Redon à la couleur.
Sources : http://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/redon/chardapollon.htm
http://art-magique.blogspot.com/2012/05/odilon-redon-le-char-dapollon.html (11 versions y sont reproduites)
http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_98=REF&VALUE_98=000PE021936