dimanche 1 juin 2014

Apesanteur mystique : Sainte Rita


Si ma mémoire est bonne, le travail de Nicolas Poussin a bénéficié d'un regain d'intérêt à partir des années 80. Je connais à peine son oeuvre (je crois l'avoir surtout vue dans les illustrations des Lagarde et Michard de mes années de lycée) mais cette toile-là me plaît énormément. Elle est, au regard du thème traité, étonnante de sobriété. On y voit une femme survoler un gros bourg de la campagne italienne, portée par des nuages. Ni anges, ni ciel glorieux ne viennent souligner le caractère miraculeux de ce voyage. Son geste est certes empreint d'adoration mystique, mais c'est une femme sans auréole (lors de l'épisode figuré, elle n'est encore ni sainte ni même entrée dans les ordres) qui l'accomplit. Dénuée de toute trace d'emphase, cette représentation de Rita de Cascia est profondément fidèle à l'image que la dévotion populaire se faisait d'elle.


Nicolas Poussin, La Translation miraculeuse
de sainte Rita de Cascia, vers 1633


Patronne des causes désespérées, sainte Rita fut l'objet d'un culte fervent bien avant sa béatification en 1628 et sa tardive canonisation, en 1900. A quoi tient cette dévotion jamais démentie envers celle qui n’a ni fondé d’ordre religieux, ni produit d’écrits spirituels, ni subi de ces sanglants martyres qui marquent délicieusement les imaginations ? Peut-être à ce que l'on sait de sa vie : d'une grande pauvreté, mariée à un homme brutal, perdant ses deux fils fauchés par la peste, c'est une femme de son époque (le XVème siècle), à l'existence somme toute ordinaire. J'apprends que le peintre Yves Klein la vénérait entre autres pour avoir voyagé par la voie des airs. C'est précisément la scène que représente Poussin. Veuve et déterminée à entrer au couvent des soeurs augustines, Rita s'en voit refuser l'accès à trois reprises. Selon les hagiographes, elle reçut une nuit la visite de Saint Jean-Baptiste. Et la voici transportée -c'est la fameuse translation- jusques dans la chapelle du couvent où elle aspirait à entrer. Le vol à dos de nuages n'est explicite dans aucune des versions officielles de la vie de la sainte (on se borne à dire qu'elle se retrouva chez les Augustines sans comprendre comment), mais la légende eut tôt fait de remplir les blancs laissés par l'ellipse narrative et Rita est souvent figurée flottant au ciel, vivante, ce qui la distingue de ses pairs qui, eux, n'y montèrent qu'à leur mort.


Sources : http://www.news.va/fr/news/yves-klein-en-vol-avec-sainte-rita
http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Rita/SteRita.html
http://www.journal-la-mee.fr/484-art-histoire-et-legendes

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