vendredi 7 février 2014

We are such stuff as dreams are made on


Au Crescent Theatre,
and our little life is rounded with a sleep, auront peut-être complété certains. Un très beau et très célèbre vers de Shakespeare tiré de The Tempest, sa dernière pièce, écrite en 1611. Je n'avais pas exactement pensé inviter Shakespeare sur Apesanteur et voilà qu'en cherchant un titre pour un billet, ces mots me reviennent en mémoire. Je m'interroge sur le sens à donner à rounded with a sleep, cherche des traductions, m'énerve de ne pas trouver tout de suite qui d'Ariel ou de Prospero parle. Cela m'amène à chercher l'extrait complet. Je reçois en plein cœur la beauté de la tirade (de Prospero, le vieux magicien donc) et décide de la publier.



Prospero et Ariel
William Hamilton, 1797
"Maintenant voilà nos divertissements finis ; nos acteurs, comme je vous l'ai dit d'avance, étaient tous des esprits ; ils se sont fondus en air, en air subtil ; et, pareils à l'édifice sans base de cette vision, se dissoudront aussi les tours qui se perdent dans les nues, les palais somptueux, les temples solennels, notre vaste globe, oui, notre globe lui-même, et tout ce qu'il reçoit de la succession des temps ; et comme s'est évanoui cet appareil mensonger, ils se dissoudront, sans même laisser derrière eux la trace que laisse le nuage emporté par le vent. Nous sommes faits de la vaine substance dont se forment les songes, et notre chétive vie est environnée d'un sommeil." Acte IV, scène 1, traduction de Didier Guizot, 1864. Quant à l'histoire... Prospero, puissant magicien, et sa fille Miranda vivent sur une île, en compagnie de Caliban, brutal et lubrique (préfiguration du ça freudien) et d'Ariel, esprit des 


Prospero et sa fille,
L et 
D Dillon, 1965
airs, inventif et dévoué quoique prisonnier des pouvoirs de Prospero. Le vieux magicien règne sur son petit monde avec despotisme. Tout bascule le jour où un navire transportant la plus haute noblesse italienne est pris dans une effrayante tempête : les naufragés échouent sur cette île enchantée. Prospero, qui est à l'origine de la tempête, va régler ses comptes (fils de roi, il fut jadis écarté du pouvoir par son propre frère), favoriser l'amour du prince héritier pour Miranda et soumettre ses puissants visiteurs à de nombreuses épreuves, mises en scène par les talents magiques d'Ariel. Le sens de la tirade s'éclaire... C'est une dénonciation de la double mise en abime : celle jouée par Prospero à ses visiteurs et celle que tout dramaturge sert à son public : talent d'illusionniste, avoue-t-il. Puis le discours passe avec gravité de tout n'est qu'illusion au théâtre à l’existence humaine n'est guère plus réelle. "Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil" est la traduction la plus courante. La vie environnée de sommeil de Guizot me semble plus subtile et plus fidèle à la formule shakespearienne.

Précisions et sources :
www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre5295-chapitre20210.html‎ (extrait du texte de Shakespeare)
Le dessin signé Léo et Diane Dillon est une illustration figurant dans une édition commémorative et publiée par Bantam Books 

2 commentaires:

  1. J'ai appris récemment une autre acceptation du verbe investir, quand il fait référence à un lieu, et qui semble premier par rapport à l'usage commun. Dixit le Larousse : Encercler une place, une position militaire dont on veut faire le siège en coupant ses communications. La vie investie de sommeil ?

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  2. Pas mal. De mon côté j'attends la réponse de mes étudiants anglais que j'ai mis à contribution.

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