samedi 8 février 2014

Du ciel de Vitebsk à celui de Paris


Songe d'une nuit d'été, 1939
Depuis quelques jours, Diane me tire amicalement par la manche. "Tu n'as rien à dire sur Chagall ? (avant d'ajouter, fine mouche) Tout flotte chez lui, tu vas te régaler." Chagall est, par excellence, l'artiste dont on reconnaît une toile jamais vue auparavant, tant son style est unique. Je m'aperçois néanmoins que je connais mal son travail. Voici l'occasion de combler une de mes innombrables lacunes. Question d'adoucir la transition entre les sombres prophéties de Prospero et l'univers féérique de Chagall, je publie d'abord  une toile d'inspiration shakespearienne : Titania, la reine des fées, y enlace tendrement l'homme à tête d'âne dont un sortilège l'a fait tomber amoureuse.


Le Cheval rouge. 1938
Chagall aurait dit "Je suis né entre ciel et terre." ainsi que « Mon cirque se joue dans le ciel, il se joue dans les nuages parmi les chaises, il se joue dans la fenêtre où se reflète la lumière." On peut voir dans ces déclarations des tentatives de  justifier ce goût de la suspension dont témoigne son œuvre. Ainsi que le disait Diane, tout flotte : les chevaux, les musiciens, les oiseaux (souvent sans l'aide de leurs ailes), les mariés, les violons, les fleurs, les rabbins... Une autre caractéristique du peintre est son utilisation de la couleur : il y fait preuve d'une liberté absolue qui a valu à son œuvre le qualificatif de chromatisme onirique. De fait, dire Chagall et le rêve c'est frôler le pléonasme. Je ne compte plus les expositions qui ont pris ces deux mots pour titre !

Une seule toile de Chagall s'intitule Le Rêve. Elle représente une femme, plongée dans un sommeil profond et portée, nue, à dos d'âne, à travers la nuit indigo.  L'animal, créature fantastique dotée d'oreilles de lapin et d'un pelage violet, est solidement campé sur ses pattes. Il se dégage de l'ensemble une impression de stabilité. J'allais ajouter "de terre ferme" si ce n'est que l'âne-lapin parcourt la voûte céleste. La lune se lève en bas du tableau et le sol, jaune citron, apparaît en haut de la toile où il a pris la place du ciel. Cette version du rêve nous parle d'un monde inversé  où le dormeur évolue les pieds posés sur les étoiles.

Le Rêve, 1924

Marc Chagall (1887-1985) est considéré comme un des peintres déterminants du XXème siècle, au même titre que Picasso. J'avoue avoir été surprise par cette assertion. Quoiqu'il en soit, je laisse la parole à une bloggeuse qui, sous le pseudo de Catherine, publie sur le web magazine Ecolo Info et dont le texte dépasse en érudition tout ce que je pourrais ajouter.

Paysage bleu, 1949
Le rêve, le sacré, la menace et le deuil sont les sources d’inspiration d’une œuvre affranchie des diktats de l’art du début XXème lesquels rejetaient l’allégorie et le narratif. A contrario d’autres artistes, cubistes ou futuristes, dont il comprend et utilise les cheminements, pour exister dans l’Art, Chagall a eu besoin de transgresser « une limite intime » et de se poser la question de son identité. Par la pratique assidue de l’autoportrait et de la subjectivité, il met en scène des personnages exclus de l’art moderne : anges, couples d’amoureux, scènes de villages, illustration de la Bible… Une cacophonie organisée, sans souci des lois de la gravité. Chagall fait voler ses personnages, dans un bonheur radieux. Ses couleurs vives et chatoyantes confèrent à son œuvre ce caractère joyeux et onirique qui la caractéristique.




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