jeudi 6 février 2014

Alfred Hitchcock et Dali portent le rêve freudien à l'écran


Avec Spellbound (La Maison du docteur Edwardes) d'Alfred Hitchcock, la psychanalyse fait son apparition dans le grand cinéma hollywoodien, en 1945, date à laquelle l'intelligentsia américaine avait reçu et accueilli les enseignements de Freud, très en vogue parmi les intellectuels. Hitchcock désirant tourner le premier film de psychanalyse, il fut secondé dans ce projet par un scénariste, Ben Hecht, qui lui-même consultait fréquemment des psychanalystes. De son côté, le producteur (Zelznick), autre client de la psychanalyse, va jusqu'à engager son propre thérapeute comme conseiller sur le tournage.

Gregory Peck faisant le
récit de son rêve
Le film commence dans un hôpital où le personnel attend le Docteur Edwardes, nouveau directeur de l'établissement. Un inconnu est pris à tort pour ce dernier. Quand on apprend que le Docteur Edwardes a été assassiné, les soupçons se portent sur l'usurpateur. Une femme médecin découvre que l'inconnu souffre d'une amnésie d'origine psychologique. Elle décide de percer le secret qu'il refoule et prouver ainsi innocence de l'inconnu. Dans Spellbound, le psychanalyste remplace l'inspecteur de police : c'est l'analyse freudienne qui mène l'enquête.

Ingrid Bergman, ravissante
psychanaliste
Depuis la parution de L'Interprétation des rêves (1900) de Sigmund Freud, il est admis que les rêves puissent révéler, sous forme codée, ce que chacun de nous refoule. Le devoir de l'analyste est d'examiner ce puzzle et d'essayer de  décrypter le message envoyé par le subconscient. D'où la présence, dans le film, d'une scène où le héros raconte un de ses rêves aux analystes qui étudient son cas. Hitchcock désire filmer le rêve et fait appel à Salvador Dali. Dans les longs entretiens qu'il eut en 1962 avec François Truffaut, le cinéaste s'est expliqué sur ce choix.

"It seemed to be a gambling house..."
Quand nous sommes arrivés aux séquences de rêve, j'ai  absolument voulu rompre avec la tradition des rêves de cinéma qui sont habituellement brumeux et confus, avec l'écran qui tremble, etc. J'ai demandé à Selznick de s'assurer la collaboration de Dali. [...] La seule raison était ma volonté d'obtenir des rêves très visuels avec des traits aigus et clairs, dans une image plus claire que celle du film justement. Je voulais Dali à cause de l'aspect aigu de son architecture -De Chirico est très semblable- les longues ombres, l'infini des distances, les lignes qui convergent vers la perspective… les visages sans forme… [...] J'aurais voulu tourner en extérieurs afin que tout soit inondé de lumière et devienne terriblement aigu, mais on m'a refusé cela et j'ai du tourner en studio. Cette collaboration, humainement fructueuse pour les deux artistes, est donc un échec esthétique pour Hitchcock qui sera contraint de fractionner le rêve en quatre épisodes, n'ayant obtenu qu'en partie ce qu'il souhaitait. Personnellement, j'ai toujours admiré la façon dont cette séquence approche l'essence des rêves, restituant aussi bien la discontinuité narrative que l'inextricable mélange d'absurdité et de sens. 


4 commentaires:

  1. et "Juliette des esprits" de Fellini…

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  2. Je n'en connais que quelques photos. A voir (à tous les sens du mot) Merci pour la piste.

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  3. Ici le rêve tiré des "Fraises sauvages", d'Ingmar Bergman. Pas vraiment dans l'apesanteur...
    http://www.dailymotion.com/video/x13euk_les-fraises-sauvages-ingmar-bergman_shortfilms

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